Il a fallu près de huit mois d'enquête pour faire radier Carole Morinville, et deux semaines de plus pour bloquer ses comptes. Un délai qui a permis à la prétendue conseillère financière de récolter plus de 260 000$ d'épargne supplémentaires. C'est inacceptable. Il faut trouver des façons d'intervenir plus rapidement dans les cas de fraudes présumées.

Le temps est un facteur déterminant dans les stratagèmes de Ponzi, où le fraudeur ne se contente pas de gruger les fonds de ses victimes, mais doit sans cesse en recruter de nouvelles pour se maintenir à flot. C'est ce que Carole Morinville aurait fait au début de l'année, soupçonne l'Autorité des marchés financiers (AMF). La femme a utilisé les sommes que venaient de lui confier deux clients pour rembourser 150 000$ à une troisième cliente. Lorsque ses trois comptes ont été bloqués cette semaine, on a trouvé à peine 1000$. Elle aurait pourtant mis le grappin sur près de 1,5 million d'épargne depuis trois ans, estime l'AMF.

Il n'est pas normal que Carole Morinville ait pu continuer ses activités en toute impunité aussi longtemps. Surtout avec le dossier qu'elle se traînait. Contrairement à Earl Jones, qui opérait en marge du système, cette femme était bien connue des autorités réglementaires. Après une première radiation, elle s'est vu interdire définitivement le titre de représentante en épargne collective en 1999. Elle a conservé son titre de représentante en assurances, mais a été réprimandée et mise à l'amende pour faute professionnelle en 2003.

En décembre dernier, un mois après que la Chambre de la sécurité financière eut commencé à enquêter sur elle pour appropriation de fonds, elle écope d'une radiation d'un mois dans une autre affaire. En mars, l'enquêteur constate qu'elle ment et ne fournit pas les documents demandés. Elle conservera pourtant son titre jusqu'au 13 juillet. Et l'accès à ses comptes de banque jusqu'au 2 août.

La Chambre, qui l'a fait radier, et l'AMF, qui a fait bloquer ses comptes, justifient ces délais en disant qu'il faut des preuves solides pour que les tribunaux administratifs autorisent de telles mesures.

Les deux organismes auraient-ils pu faire mieux? Québec doit le vérifier. Et s'il s'avère que non, il va devoir faire autre chose. Trouver des mesures intérimaires pour empêcher que des individus sur lesquels pèsent de forts soupçons conservent un accès illimité aux fonds de leurs clients et puissent en recruter d'autres.

Faut-il un accès rapide au contenu des ordinateurs et des comptes bancaires? Une caution pour rembourser les investisseurs si la fraude se confirme? Les moyens restent à définir, mais il est urgent de trouver des façons de limiter les dégâts.

D'ici là, les épargnants doivent se rappeler de ne jamais confier leur argent à quiconque sans vérifier ses titres et antécédents auprès de l'AMF. Ceux qui l'auraient fait au sujet de Carole Morinville auraient trouvé dans son dossier de nombreuses raisons de se méfier.

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