Commander une recherche pour voir dans quelle mesure les minorités visibles sont davantage ciblées par les policiers était une excellente idée de la part du SPVM. Abandonner cette piste aussi rapidement, par contre, est une très mauvaise décision. On s'attend à ce que la police fasse preuve d'un peu plus de persévérance dans son investigation.

Les Noirs représentent seulement 7% de la population montréalaise. Mais ils sont interpellés plus souvent qu'à leur tour, montre un rapport obtenu par notre collègue Catherine Handfield. En 2006-2007, 30% des contrôles les visaient, ce qui représente quatre fois leur poids démographique.

Les Noirs sont encore plus souvent contrôlés dans des quartiers comme Montréal-Nord et Saint-Michel, a constaté le chercheur, un criminologue qui travaille pour le Service de police de la Ville de Montréal. Il a épluché les fiches que les patrouilleurs ont remplies sur plus de 163 000 personnes durant cette période.

Des constats qui sèment le doute sur le discours officiel. Comment le SPVM a-t-il pu affirmer, devant la Commission des droits de la personne, ne pas avoir de problème systémique de profilage racial, alors qu'il avait ce rapport entre les mains depuis un an?

L'étude comporte des failles méthodologiques importantes, nous a répondu celui qui l'a commandée. Une infime partie des interpellations sont consignées sur des fiches. Et celles-ci ne constituent pas un échantillon valable, car la décision d'en rédiger une est laissée au jugement du patrouilleur, explique le chef du service du développement stratégique du SPVM, Jean-François Pelletier. Et la population d'un arrondissement, pour toutes sortes de raisons, ne peut pas servir de base au calcul.

L'étude signale quand même des phénomènes préoccupants. Dont cette analyse de 200 cas, autant de Noirs que de Blancs, choisis au hasard. Près des deux tiers des Blancs ont été contrôlés pour des motifs qu'on pourrait qualifier de raisonnables (délit, infraction, réponse à un appel). À l'inverse, près des deux tiers des Noirs ont été abordés pour des motifs vagues, note le chercheur.

Le rapport a beau être qualifié de «brouillon», il soulève des questions importantes. Mais le SPVM a décidé de ne pas y donner suite. «Il faut arrêter de se battre sur les chiffres», justifie M. Pelletier. Le service de police prend néanmoins la perception de profilage racial au sérieux et travaille là-dessus, assure-t-il.

Comme c'est commode! En l'absence de données solides, la police a beau jeu de qualifier les doléances de «perceptions». Sauf que le problème reste entier. Les membres de minorités visibles sont-ils interpellés plus souvent, et plus souvent de façon injustifiée? Il faut répondre à cette question.

L'histoire de la science nous enseigne que ce n'est pas parce qu'un phénomène n'est pas détecté qu'il n'existe pas. C'est souvent parce qu'on ne le mesure pas de la bonne façon, ou qu'on n'a pas les instruments adéquats. Si la police de Montréal n'a pas les instruments nécessaires pour permettre à des chercheurs d'évaluer la pertinence de ses interpellations, il est grand temps qu'elle en mette au point.

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