L'entente de principe annoncée hier permettra aux victimes de Norbourg de reprendre le fil de leur vie rompu il y a plus de cinq ans. Elle nous prive toutefois d'un éclairage précieux sur les responsabilités des défendeurs. Dans quelle mesure l'AMF, KPMG ou Northern Trust ont-elles contribué, par négligence, incompétence ou autrement, à cette gigantesque fraude? On ne le saura pas. Espérons que les 55 millions à verser auront quand même un effet, et inciteront les parties à faire leur examen de conscience.

L'entente de principe annoncée hier permettra aux victimes de Norbourg de reprendre le fil de leur vie rompu il y a plus de cinq ans. Elle nous prive toutefois d'un éclairage précieux sur les responsabilités des défendeurs. Dans quelle mesure l'AMF, KPMG ou Northern Trust ont-elles contribué, par négligence, incompétence ou autrement, à cette gigantesque fraude? On ne le saura pas. Espérons que les 55 millions à verser auront quand même un effet, et inciteront les parties à faire leur examen de conscience.

Les quelque 9200 épargnants dont la vie a basculé le 25 août 2005 peuvent se réjouir. Ce serait la première fois qu'un recours collectif canadien permet de récupérer la quasi-totalité des sommes détournées. Victimes victorieuses donc, mais pas entièrement dédommagées. Le règlement, aussi substantiel soit-il, ne compense pas les pertes de rendement et de qualité de vie causées par la fraude. Ni les frais d'avocat, qui viendront rogner les indemnités versées.

Pour les investisseurs, cet arrangement imparfait vaut quand même mieux qu'un bon procès. Un jugement favorable aurait pu rapporter 25 à 30 millions de plus, mais pas avant cinq ou six ans - et après déduction d'honoraires autrement plus consistants.

Le règlement est aussi à l'avantage des défendeurs: leur décision de l'endosser parle d'elle-même.

Pour la sécurité de nos marchés financiers, par contre, c'est autre chose. Des allégations inquiétantes ont circulé au cours des dernières années. Selon des témoignages cités par les avocats des victimes, la Commission des valeurs mobilières (l'ancêtre de l'Autorité des marchés financiers) aurait dû avoir des soupçons dès 2002. D'autres ont mis en doute la vigilance de la firme de vérification comptable KPMG et des gardiens de valeurs Northern et Concentra.

Le procès aurait enfin permis d'y voir clair. Hélas! il n'aura pas lieu. Et les millions accordés par les défendeurs ne constituent en rien une admission. Au contraire, ils les libèrent de tous les recours intentés par les investisseurs. Y compris celui contre la Caisse de dépôt, qui échappe elle aussi à l'examen de sa part de responsabilité par les tribunaux.

C'est malheureux, car il serait important de savoir. Pas tant pour blâmer que pour exposer et corriger. Il en va de la protection des épargnants. On a de bonnes raisons de croire que l'AMF est plus efficace que ne l'était la CVMQ. Sauf qu'elle en a peut-être gardé de mauvais plis. Il serait dangereux de les ignorer.

Ce recours, heureusement, crée un précédent. Il montre ce qu'il en coûte lorsque des victimes ont de quoi monter un solide dossier. Que les défenseurs choisissent de se battre en cour durant des années ou de régler avant le début du procès ne change pas grand-chose: ils devront cracher des dizaines de millions. La leçon a coûté 55 millions. Est-ce assez pour convaincre les firmes et organismes censés veiller aux intérêts des investisseurs de redoubler de vigilance à l'avenir? Souhaitons-le.

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