La stratégie fédérale pour encourager l'utilisation de données de santé électroniques est de plus en plus critiquée. Deux articles publiés hier dans le Journal de l'Association médicale canadienne (JAMC) fournissent de nouvelles munitions aux détracteurs. Qu'attend Ottawa pour ajuster le tir?

La stratégie fédérale pour encourager l'utilisation de données de santé électroniques est de plus en plus critiquée. Deux articles publiés hier dans le Journal de l'Association médicale canadienne (JAMC) fournissent de nouvelles munitions aux détracteurs. Qu'attend Ottawa pour ajuster le tir?

«Vaut mieux savoir que de ne pas savoir», clament les pubs d'Inforoute Santé du Canada (ISC) lancées cette semaine. Les messages diffusés à la télé et sur internet montrent à quel point il est utile d'avoir un accès instantané au dossier médical d'un patient. En particulier lorsque celui-ci arrive inconscient sur une civière.

Mais qui essaie-t-on de convaincre? ISC, l'organisme qui pilote l'implantation de l'ambitieuse architecture devant permettre d'échanger des données médicales d'un océan à l'autre, enfonce une porte ouverte. Personne ne conteste la pertinence d'éviter la confusion des prescriptions ou le dédoublement de tests diagnostiques. Au contraire, c'est ce qu'on attend de l'informatisation des données médicales. Le problème, c'est qu'on n'en finit plus d'attendre.

«Les systèmes centralisés massifs échouent presque toujours», dénonce un spécialiste de la télésanté cité par le JAMC. Centraliser les données d'une province, c'est courir après les problèmes, affirme ce prof de l'Université McMaster. Selon lui, il faudrait prioriser des solutions gérables, desservant des populations pas plus grandes que celles couvertes par les régies régionales ontariennes - environ un million de personnes au maximum.

Bref, tout le contraire de l'approche pancanadienne imposée par ISC aux provinces. Pendant que celles-ci s'échinent à implanter des méga-systèmes comme le Dossier santé du Québec (DSQ), l'adoption des technologies de base comme le dossier médical informatisé prend du retard. Moins de quatre médecins canadiens sur 10 utilisent cet outil, contre neuf sur 10 au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas. La stratégie canadienne paraît de plus en plus déconnectée de la réalité.

La plupart des systèmes de santé occidentaux font face à des défis comme la gestion des maladies chroniques, la sécurité des patients et l'escalade des coûts. Or, la vision canadienne d'un système de dossiers médicaux électroniques accessibles d'un océan à l'autre n'a aucun impact immédiat sur ces défis, soulignent les auteurs de l'étude publiée hier dans le JAMC.

Les mêmes conclusions se dégagent des entrevues menées par ces chercheurs auprès de médecins, pharmaciens, gestionnaires et fournisseurs de technologies. Les efforts devraient plutôt être mis sur l'interopérabilité régionale, plus facile et moins coûteuse à implanter, afin d'encourager l'adoption de systèmes qui contribuent réellement à la continuité des soins.

Vaut mieux savoir? Depuis le temps que ça se dit, il serait temps qu'ISC en prenne acte. Et revoit ses priorités, avant d'avoir épuisé son fabuleux budget de 1,6 milliard.

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