Préoccupé par l'escalade du prix des places de spectacles, Québec veut interdire aux entreprises de revendre des billets à profit. Un effort louable, mais dont l'effet n'est pas garanti.

Préoccupé par l'escalade du prix des places de spectacles, Québec veut interdire aux entreprises de revendre des billets à profit. Un effort louable, mais dont l'effet n'est pas garanti.

Aucun commerçant ne peut exiger un prix supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé, stipule le projet de loi déposé cette semaine. L'interdit vise les événements culturels et sportifs, mais aussi les expos et autres divertissements accessibles par un «billet», quelle qu'en soit la forme.

Le ministre de la Justice répond ainsi à la sortie de Louis-José Houde au dernier gala de l'ADISQ. L'humoriste affirmait que son spectacle ne valait pas les 100$ déboursés par certains spectateurs - le double du tarif original.

Un point de vue partagé par plusieurs artistes et promoteurs québécois, horrifiés par les prix qu'une partie du public doit payer pour avoir accès à leurs événements. Et par la ministre de la Culture, inquiète que les marges des revendeurs n'absorbent une trop grande partie du budget de loisirs des Québécois, réduisant la fréquentation des spectacles. Sans oublier la frustration des amateurs qui, souvent, sont incapables de trouver de bonnes places ailleurs que sur le marché secondaire.

Préoccupations légitimes, mais qui ne sont pas uniques au Québec. Le milieu culturel local est même une cible plutôt récente - ce qui explique peut-être la force de sa réaction. La spéculation sur les billets se pratique de plus en plus partout dans le monde. Ça ne veut pas dire que toute intervention soit vouée à l'échec, mais ça oblige à considérer la situation dans son ensemble.

Faire adopter une loi est une chose. S'assurer qu'elle ait les effets désirés en est une très différente. L'Ontario, le Manitoba et l'Alberta interdisent la revente de billets à prix gonflé depuis des années, mais dans les faits, les poursuites et amendes sont rares, a constaté l'émission MarketPlace.

L'efficacité de la loi québécoise dépendra de l'Office de protection du consommateur, responsable de son application, et des courtiers en billets. Si le premier a fait ses preuves, il ne faut pas sous-estimer l'imagination des seconds. Car les «commerçants» visés ici sont d'abord les gros sites, comme billets.ca ou 514-billets, bien plus que le scalper traditionnel. Ces sites pourraient très bien trouver des moyens d'adapter leur modèle d'affaires au nouveau cadre légal.

D'autant qu'avec internet, n'importe qui peut tenter sa chance. Entre les spectateurs qui prennent quelques paires en trop pour les écouler à profit et les particuliers qui spéculent sur les gros événements, ça fait beaucoup de gens qui achètent des billets dans le seul but de les revendre plus cher.

Soyons réalistes. On n'éliminera pas la surenchère sur Madonna ou le Canadien en séries. Et si le milieu culturel québécois veut échapper à cette dynamique, il va devoir développer des stratégies complémentaires, car la loi ne suffira pas.

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