Même si elles ont accès à des incitatifs fiscaux parmi les plus généreux au monde, les entreprises canadiennes font piètre figure en matière d'innovation. Ce mode de financement est mûr pour une révision.

Même si elles ont accès à des incitatifs fiscaux parmi les plus généreux au monde, les entreprises canadiennes font piètre figure en matière d'innovation. Ce mode de financement est mûr pour une révision.

«Le Canada cherche à devenir un leader mondial dans le domaine de l'innovation», rappelle le Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation dans un rapport d'étape publié cette semaine. Sa conclusion («stagnation du rendement général du Canada en matière d'innovation») montre à quel point on est loin du compte. De toute évidence, le modèle a besoin d'ajustements.

Même si le nombre de diplômés universitaires, incluant les détenteurs de doctorat en sciences, augmente, et qu'Ottawa et les provinces mobilisent des sommes considérables pour inciter les entreprises à faire de la recherche-développement (R-D), celles-ci y investissent moins qu'ailleurs, montre L'état des lieux en 2010. Leurs dépenses ont même diminué entre 2007 et 2009. Oui, il y a eu la crise. Mais la tendance était déjà préoccupante avant. Mesurées en fonction du PIB, ces dépenses ont reculé entre 1998-2008, alors que dans de nombreux autres pays, elles ont progressé durant la même période.

Il y a lieu de s'interroger sur la stratégie gouvernementale. Car le Canada a une façon particulière de soutenir la R-D. Aucun des 23 autres pays de l'OCDE étudiés n'utilise autant les incitatifs fiscaux. Et presque aucun autre, sauf la Pologne et le Mexique, ne mise si peu sur le financement public direct.

Peut-être parce le terme «subvention» est devenu un gros mot ici. Les citoyens, excepté quand ils en bénéficient, n'aiment pas voir le privé recevoir des fonds publics. Les crédits d'impôt ont une connotation plus neutre. Les critères sont clairs, les entreprises qui s'estiment admissibles n'ont qu'à soumettre une demande.

Pourtant, cette approche-là n'est pas sans faille non plus. Le juteux programme Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) suscite la convoitise de consultants peu scrupuleux, a montré récemment le Globe and Mail. Le dossier, dévastateur, expliquait comment ces «spécialistes» convainquent les entreprises de réclamer des crédits pour des dépenses courantes qui n'amènent rien d'innovant.

On ne parle pas de fraude, mais d'élastique étiré à outrance. Ces réclamations non fondées augmentent le fardeau de vérification à Revenu Canada, et le risque d'accorder des crédits non mérités par erreur. C'est ce qu'on appelle être victime de son succès. Sauf que la vraie victime n'est pas le programme. C'est la population, qui le finance et compte sur ses retombées pour assurer la compétitivité de l'économie.

Ottawa a créé l'an dernier un Groupe d'experts sur la recherche-développement, et lui a demandé d'examiner trois types de programmes fédéraux, dont ceux de crédits d'impôt. Son rapport est prévu pour la mi-octobre. On l'attend avec impatience.

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