Qu'une énorme machine gouvernementale comme celle du Québec connaisse des ratés, c'est inévitable. Mais que des ministères et sociétés publiques lèsent les citoyens qu'ils sont censés servir est inacceptable. Et des cas comme ça, il y en a un peu trop dans le Rapport annuel du Protecteur du citoyen rendu public hier.

La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) et l'Agence du revenu du Québec semblent particulièrement enclines à cette forme d'abus. La SAAQ, par exemple, cessait de verser un type d'indemnité aux accidentés de la route dès qu'elle demandait une expertise médicale à ce sujet. Un problème pour les prestataires? Pire, a démontré le Protecteur: c'est illégal.

L'organisme a aussi dû intervenir pour faire cesser des pratiques inacceptables de l'Agence du Revenu. Les percepteurs de l'État saisissaient la totalité du salaire de contribuables, en contravention du Code de procédure civile, et des sommes qui, justement, sont insaisissables, comme des pensions alimentaires pour enfants. Le protecteur s'est également interposé dans un cas de double imposition de citoyens décédés. Le problème a été réglé et les citoyens peuvent demander des correctifs pour les 10 années antérieures. Mais le sauront-ils? Bien des gens risquent de ne jamais récupérer les sommes payées en trop.

Ces exemples, et d'autres cas individuels, donnent l'impression que la machine est complètement déréglée et produit l'inverse du résultat pour lequel elle a été conçue. Retenir un maximum de fric, quitte à le faire au détriment des citoyens, semble être devenu le nouveau mot d'ordre. De sérieuses remises en question s'imposent. L'atteinte du déficit zéro ne doit pas servir d'excuse à une gestion insensible, qui lèse les citoyens qu'on est censé servir.

Et l'exemple doit venir d'en haut. Il arrive souvent que les présidents d'organismes et les sous-ministres contactés reconnaissent spontanément, à la lecture d'un dossier, qu'il y a un problème, témoigne la protectrice Raymonde Saint-Germain. Qu'ils ne soient pas au courant des cas qui se règlent plusieurs échelons en dessous d'eux, c'est compréhensible. La culture de leur organisation, par contre, relève de leur responsabilité. Si les employés n'entendent parler que des cibles de performance, il ne faut pas s'étonner qu'ils en fassent leur priorité absolue, au mépris du public sans lequel, pourtant, leur poste n'existerait pas.

Québec a promis que ses compressions de 800 millions n'affecteraient pas les services. Difficile de le croire après avoir lu le rapport du Protecteur. Comment peut-on prétendre miser sur les soins à domicile et les retirer à ceux qui en reçoivent? Comment ose-t-on même parler de services quand les délais excèdent dix fois la norme, ou que tous les établissements refusent le patient référé?

Quand une industrie veut réduire ses coûts, elle cherche à améliorer son efficacité. La machine gouvernementale, elle, n'a pas trouvé plus intelligent que de produire moins.

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