Une loi qui n'oblige personne à quoi que ce soit est-elle toujours une loi?

La question se pose au sujet de la loi fédérale sur l'accès à l'information, un document négligé et truffé d'échappatoires, qui fait davantage office de voeu pieux que de règle stricte à Ottawa.

En témoigne le nombre d'institutions gouvernementales qui, selon le rapport de la commissaire à l'information dévoilé mardi, respecte généralement le délai de 30 jours consacré dans la loi: zéro.

Le délai de traitement moyen du ministère le plus efficace, Citoyenneté et Immigration, est de 34 jours. Le plus lent, Affaires étrangères, affiche une moyenne de 163 jours. Et le Conseil privé, le «ministère» du premier ministre, 157 jours.

Pour la commissaire, Suzanne Legault, les retards excessifs, qui équivalent à ses yeux à de la « censure », sont devenus la norme. On est donc bien loin de «consacrer le principe du droit du public à leur communication», comme le veut la loi.

Encore moins quand on ajoute aux délais de réponse... l'absence de réponses: les habitués ne se surprennent plus de recevoir des documents complètement biffés, quand ce n'est pas carrément un refus. Et si cette fin de non-recevoir est parfois justifiée, ce n'est que dans de rares cas: 80% des plaintes menées à terme se sont révélées fondées.

Si le problème de l'accès à l'information au sens large existe depuis un bon moment, il a pris une ampleur croissante depuis l'accession au pouvoir des conservateurs. Bien qu'ils aient promis en campagne électorale d'ouvrir toutes grandes les fenêtres de l'information, ils ont plutôt érigé en système le contrôle de l'appareil gouvernemental, et aucune loi ne les en a empêchés.

On le voit avec l'histoire des détenus afghans, la saga de l'organisme Droits et démocratie, le travail scientifique sur le climat, le lobbying des groupes religieux, le traitement accordé aux journalistes...

Le problème dans le cas de l'accès à l'information, c'est que son importance est inversement proportionnelle à l'intérêt que lui accorde la population. Les citoyens ne descendront jamais dans la rue pour exiger des modifications à la loi, pas plus qu'ils ne pensent à cet enjeu lorsqu'ils déposent leur bulletin de vote dans l'urne.

Mais les conservateurs auraient tort, néanmoins, de ne pas donner suite aux conclusions de Mme Legault. D'abord parce que l'emprise politique exercée sur l'information participe au cynisme ambiant. Ensuite parce que cette culture du secret inspire la méfiance, sentiment que ressent déjà une bonne partie de la population à l'égard de ce parti.

Mais par-dessus tout, Ottawa devrait agir parce que la démocratie en dépend, tout simplement. «Le statu quo selon lequel les citoyens veulent l'information que le gouvernement veut contrôler ne fonctionne plus», écrit la commissaire.

Nécessaire dès 2006, de l'aveu même du Parti conservateur, une réforme de la loi s'impose plus que jamais.

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