À quelque chose malheur est bon, et en ce sens, le Canada doit tirer du bon du malheur qui s'étend dans le golfe du Mexique.

La marée noire n'a certes rien d'heureux pour les Américains, qui n'ont d'autres choix que de réparer les pots cassés par une entreprise insouciante ayant rogné, avec la connivence du gouvernement, sur les mesures de sécurité.

Mais ici, il n'est pas trop tard pour prévenir une telle catastrophe. Il est même urgent de le faire, compte tenu de l'assouplissement en cours des mesures d'évaluation environnementale au pays.

C'est dans la plus totale indifférence que les conservateurs, mais aussi leurs prédécesseurs, les libéraux, ont revu à la baisse les exigences imposées aux grandes entreprises d'énergie ces dernières années.

Qui se souvient qu'en 2005, le ministre Stéphane Dion a modifié la loi canadienne sur l'évaluation environnementale afin de faciliter le forage exploratoire au large des côtes? On biffait alors l'obligation d'«une étude approfondie» pour la remplacer par un banal «examen préalable».

Qui s'intéresse aujourd'hui du sort du projet de loi C9, adopté en deuxième lecture, qui affaiblit à nouveau cette loi environnementale? Celle-ci permettra au gouvernement de décider quel projet peut contourner l'évaluation, de «simplifier» les études approfondies et de soustraire de tout examen environnemental «certains projets d'infrastructure» dont le financement provient d'une source fédérale.

Qui se souciait, de la même manière, des pressions exercées sur l'Office national de l'énergie du Canada, ces derniers mois, par un groupe de pétrolières qui souhaite forer sans puits de sécurité? N'eut été de la marée noire, dont l'ampleur s'explique précisément par l'absence d'un tel puits, la demande aurait probablement été acceptée, sans que personne ne s'en aperçoive.

À part quelques députés de l'opposition qui veillent au grain loin des caméras, rares sont ceux qui sont allés au front pour empêcher un tel nivellement des exigences par le bas. Ce qui a permis au gouvernement de consentir aux demandes de l'industrie sans grandes difficultés.

Le premier ministre Harper se veut néanmoins rassurant. Il utilise des mots comme «horrible» et «inacceptable» pour qualifier la catastrophe. Il répète que les règles canadiennes sont «sévères». Il soutient qu'il n'a pas l'intention «d'affaiblir les normes environnementales au pays».

Mais ces quelques mots lancés en Chambre ne suffisent pas. À la lumière des dégâts causés par une plateforme dont les exploitants avaient garanti la sécurité, Ottawa a le devoir d'en faire plus. À commencer par l'imposition d'un moratoire sur tout octroi de permis ou de forage, le temps d'un débat public d'urgence devant le comité des ressources naturelles.

S'il veut prouver qu'il a tiré une leçon de la catastrophe américaine, c'est à une analyse approfondie du régime réglementaire que le gouvernemental Harper doit s'astreindre, rien de moins.

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