Lorsqu'un avion s'écrase en raison d'un pépin mécanique, le réflexe est de clouer au sol tous les exemplaires du même modèle, le temps de cerner le problème - et d'y remédier.

Lorsqu'un avion s'écrase en raison d'un pépin mécanique, le réflexe est de clouer au sol tous les exemplaires du même modèle, le temps de cerner le problème - et d'y remédier.

La même attitude a prévalu à la suite de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon. L'administration Obama a décidé d'imposer un moratoire sur le forage, le temps de cerner le problème - et possiblement, d'y remédier.

Mais curieusement, rien de tel au Canada. Ni Ottawa ni l'Office national de l'énergie n'a cru nécessaire d'imposer à l'industrie une pause.

Cela suscite de sérieuses questions quant à la proximité des autorités et des pétrolières, mais aussi en matière de sécurité, tant pour les plateformes existantes que pour le puits qu'a commencé à forer Chevron, au large de Terre-Neuve, dimanche dernier.

On nous promet que le Canada, grâce à sa «réglementation sévère», est à l'abri d'une défaillance comme celle qui a causé la marée noire. Mais comment affirmer une telle chose quand on ne connait même pas la nature de cette défaillance?

Rappelons-nous l'explosion de la plateforme Piper Alpha, en 1988, au large des côtes d'Écosse. Le gouvernement britannique n'a pas réagi en fermant les yeux. Il a révisé ses exigences réglementaires et a mis sur pied une commission permanente chargée de veiller à la sécurité des projets pétroliers.

La leçon qu'a tirée Londres de l'accident a par la suite fait réfléchir, aux quatre coins du monde. Bien des pays sont arrivés à la même conclusion: pour faire respecter les plus hautes normes de sécurité, vaut mieux scinder l'attribution des permis d'exploration et la surveillance des installations.

En 2004, la Norvège a ainsi créé une agence pour superviser les mesures de sécurité et d'urgence des activités pétrolières. L'Australie a emboîté le pas l'année suivante. Et les États-Unis, mercredi dernier, ont décidé d'en faire autant.

Ottawa n'a pas cru nécessaire de pousser cette réflexion, pas plus en 1988 qu'aujourd'hui. Pourtant, l'idée circule depuis l'écrasement, l'an dernier, d'un hélicoptère de la plateforme Hibernia. Certains militent pour la création d'une organisation nationale vouée à la sécurité des plateformes.

Certes, l'implantation d'une telle entité au Canada ne se ferait pas aisément, en raison du partage de juridictions entre les provinces et le fédéral. Mais une harmonisation des processus entre les gouvernements est possible, lorsque la situation l'exige, comme le prouvent les évaluations environnementales conjointes, l'existence de l'Office canadien de commercialisation des oeufs, etc.

Or le déversement en cours montre bien que la situation l'exige, justement, au moment où s'intensifie la course au pétrole en mer. L'or noir provient en effet d'endroits de plus en plus difficiles d'accès, fragiles, et donc risqués.

Le Canada profite largement des avantages que lui procure son statut de superpuissance énergétique en devenir, mais cela ne doit pas lui faire oublier les responsabilités qui l'accompagnent.

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