Les coffres du Trésor sont à sec, répète le gouvernement à chaque discours. Et pourtant, Québec réussit toujours à trouver les sous nécessaires lorsqu'il se fixe des priorités.    

On l'a vu avec la procréation assistée, pour laquelle 63 millions seront versés. Et on l'a vu avec l'achat spontané de la Maison des hommes, un ensemble de bâtiments coincés entre le Faubourg Sainte-Catherine et l'ancienne maison-mère des Soeurs Grises pour lequel 2,1 millions viennent d'être débloqués comme par magie.

En soi, ces deux décisions ne sont pas mauvaises. Elles se défendent, même. Mais ce qui est troublant, c'est la priorité accordée à ces deux dossiers aux dépens d'autres questions plus urgentes.

On a déjà déploré dans ces pages la mise sur pied du régime d'aide à la procréation assistée le plus généreux au monde, au moment où le réseau de la santé tire le diable par la queue. Concentrons-nous donc sur la Maison des hommes.

La ministre St-Pierre a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bâtiment, le 2 juillet dernier. Ce geste, qui lui permet de mettre la main sur tout bien culturel classé au moment de sa mise en vente, est exceptionnel: il avait été posé à ce jour une seule fois pour un bien immobilier, soit la bibliothèque Saint-Sulpice.

On a accusé Québec d'agir ainsi pour bloquer les ambitions d'un groupe musulman qui souhaitait transformer la Maison des hommes en mosquée. Certains parlent même d'«un geste d'exclusion d'une communauté», comme le sénateur Serge Joyal et la fondatrice du Centre canadien d'architecture, Phyllis Lambert.

Sans preuves, laissons le bénéfice du doute à la ministre, qui soutient plutôt avoir posé un geste patrimonial, dans le but d'éviter que l'ensemble conventuel, emblématique de la métropole, soit altéré par la perte de ses annexes en pierre grise.

Soit. Tout apôtre de la préservation du patrimoine religieux reconnaîtra la noblesse d'un tel geste. Mais fallait-il pour autant en faire la principale priorité du ministère de la Culture? Fallait-il verser 2 millions de toute urgence pour un bien dont le sort n'inquiétait aucun organisme en patrimoine?

Et surtout, fallait-il mettre une croix sur un projet de mosquée qui ne posait pas vraiment problème, sachant que toute modification apportée au bâtiment aurait, de toute façon, nécessité l'approbation du Ministère?

Ce qui cloche avec cette décision, ce n'est évidemment pas la somme engagée, c'est son côté arbitraire. C'est l'importance accordée à un bâtiment protégé et en excellent état, tandis que se détériore à vue d'oeil la maison de Louis-H. Lafontaine, que le 9e étage de l'ancien magasin Eaton tombe dans l'oubli, que la gare Viger est honteusement placardée et que l'orgue de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus est convoité par Toronto.

Comme la procréation assistée, l'achat de la maison des hommes est un geste qui serait justifiable dans une société riche, qui a réglé l'ensemble de ses problèmes urgents. Mais ce n'est malheureusement pas le cas du Québec, comme le répète inlassablement le gouvernement.

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