BP veut tourner la page sur l'explosion du Deepwater Horizon, les 11 morts et les images de son puits de pétrole fuyant à gros jet dans les profondeurs du Golfe.

Pour ce faire, la pétrolière a décidé de montrer la porte à son directeur général, Tony Hayward, en espérant qu'il emportera dans ses cartons l'entière responsabilité du drame, en octobre prochain.

Ce faisant, BP privilégie la gestion de crise à la crise comme telle: elle choisit de miser sur les relations publiques plutôt que de s'attaquer à la culture manifestement déficiente de l'entreprise. Comme chaque fois qu'elle se trouve dans le pétrin, d'ailleurs.

À la fin des années 80, plombée par les mesures draconiennes du gouvernement Thatcher et le cours peu favorable du pétrole, British Petroleum largue son nom, conserve ses initiales et lance le programme Beyond Petroleum afin de miser sur les énergies renouvelables. Du moins c'est ce que prétendent les publicités.

Dix ans plus tard, l'image de l'entreprise reprend du mieux et la stratégie verte est discrètement abandonnée.

Au milieu des années 2000, une raffinerie de BP explose au Texas, tuant 15 personnes, puis un oléoduc éclate en Alaska. Accusée de négligence, la pétrolière réagit en limogeant son directeur général au profit d'un certain Tony Hayward, qui promet de faire de la sécurité industrielle sa grande priorité.

Mais à nouveau, l'entreprise rebondit et les gestes promis sont oubliés.

L'explosion du Deepwater Horizon en est une preuve éclatante. On ne sait pas encore ce qui s'est passé le 20 avril dernier, mais on en sait suffisamment sur le contexte entourant l'accident pour conclure que M. Hayward donnait dans le voeu pieux lorsqu'il s'est engagé à «montrer l'exemple en termes de sécurité industrielle».

Trois rapports, déjà, le confirment. Rédigé en septembre dernier, le premier révèle que près de 400 réparations étaient alors laissées en plan par le propriétaire de la plateforme, Transocean, même si plusieurs d'entre elles étaient urgentes. Qu'à cela ne tienne, la pétrolière a poursuivi le forage comme si de rien n'était.

Les deux autres documents, élaborés par une firme en sécurité maritime quelques jours avant l'explosion, révèlent pour leur part de fréquents «comportements mettant en péril la sécurité» sur la plateforme. Les employés sondés voyaient là une «conséquence de la nécessité de forer plutôt que de s'assurer de la bonne maintenance» des équipements.

Difficile de ne pas déceler une certaine insouciance, une culture d'entreprise axée sur le court terme et l'appât du gain plus que sur le bien-être des employés ou le respect des clients. Ce que confirment en quelque sorte les gaffes à répétition de Hayward, qui a qualifié l'impact de la marée noire de «très, très modeste», et de son patron, Carl-Henric Svanberg, qui s'est dit plein de compassion pour ces «petites gens» victimes de la marée noire...

Contrairement à ce que l'on tente de nous faire croire, la marée noire n'est pas la faute d'un seul homme, aussi piètre communicateur soit-il, mais bien d'une culture d'entreprise qu'encore personne n'a promis de changer.

francois.cardinal@lapresse.ca

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