L'abandon du projet de loi sur le climat aux États-Unis est un échec aussi lourd de conséquences, sinon plus, que celui de la conférence de Copenhague. En baissant les bras, Washington plombe la lutte contre les changements climatiques pour des années à venir.

Après trois échecs en autant de tentatives, les bonzes démocrates ont tenté une fois de plus, dans les derniers mois, de convaincre leurs collègues du Sénat de l'importance de réduire les gaz à effet de serre. En vain.

Le leader de la majorité, Harry Reid, a annoncé le 22 juillet dernier la fin des pourparlers. Et, du coup, de tout espoir que les États-Unis et le Canada, voire la Chine et l'Inde, appliquent rapidement des mesures nationales ambitieuses pour faire face au défi climatique.

Aux États-Unis, cette impasse empêche l'administration Obama de se fixer une cible de réduction des gaz à effet de serre, geste essentiel dans le cadre des négociations internationales. Puis, il signe l'arrêt de mort du système de plafonnement et d'échange des émissions, la fameuse Bourse du carbone, qui risque de disparaître du débat public pour longtemps.

Au Canada, l'abandon du projet de loi américain est l'équivalent d'une carte blanche à l'inaction. Il fournit au gouvernement un prétexte en or pour continuer à ne rien faire, pour repousser indéfiniment toute réglementation contraignante de l'industrie.

Plus encore, il permet à Ottawa de mettre une croix, lui aussi, sur la Bourse du carbone. Et, ainsi, sur toute possibilité de s'attaquer efficacement aux changements climatiques à l'échelle nationale.

Pourquoi? Parce qu'il n'existe qu'une façon de réduire réellement les émissions: en fixant un prix sur le carbone. Cela ne peut se faire qu'en établissant un marché du carbone ou en taxant directement les émissions.

Or en mordant la poussière en 2008, Stéphane Dion a fait subir le même sort à la taxe sur le carbone, aussitôt enterrée pour des années à venir. C'est donc à la fois la Bourse et la taxe qui sont écartées pour un bon bout de temps. Certes, il y aura un marché régional auquel participeront le Québec et l'Ontario, mais sans l'Alberta et la Saskatchewan, celui-ci n'aura qu'un effet limité.

À l'international, l'abandon du projet de loi est une véritable douche froide. Il confirme les pires inquiétudes des négociateurs, qui craignent une répétition du scénario des années 2000: un président volontaire... mais menotté par un Congrès intraitable.

Barack Obama peut bien réitérer sa volonté d'agir malgré le revers subit au Sénat, il risque néanmoins de subir le même sort que Bill Clinton, qui a signé Kyoto, mais qui a été incapable de convaincre le Congrès de le ratifier.

Or sans les Américains, il faudra oublier les Chinois et les Indiens, qui refuseront d'embarquer dans un traité post-2012. Ce qui laisse planer le doute sur l'existence même d'un tel accord.

L'échec des démocrates pourrait ainsi devenir celui de la communauté internationale.

francois.cardinal@lapresse.ca

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