Trop pressé d'extraire le gaz de schiste du sous-sol québécois, le gouvernement Charest a été forcé de modérer ses ardeurs: le projet de loi attendu cet automne ne verra le jour qu'au printemps prochain, après une vaste consultation organisée par le BAPE.

Québec n'avait plus le choix: le cafouillage de l'industrie, qui est débarquée ici comme elle l'aurait fait chez les Papous, sans aucun respect pour la qualité de vie des citoyens, commandait une réponse musclée de l'État.

À défaut de quoi, l'industrie aurait été obligée de quitter la province avec plumes et goudron...

On ne peut plus, en cette ère post-marée noire, espérer susciter une quelconque acceptabilité sociale en se limitant à de belles promesses, fussent-elles emballées par le cabinet de relations publiques National.

Pour le citoyen qui se réveille un matin devant un puits crachant une énorme flamme, les garanties d'André Caillé ne valent pas plus que les résidus toxiques de l'exploitation qu'il promeut.

D'où la nécessité d'une audience indépendante du BAPE qui, malgré l'étroitesse du mandat accordé, permettra aux Québécois d'obtenir réponses à leurs questions et au gouvernement, de prendre une décision éclairée. Mais attention! L'encadrement environnemental de l'extraction n'est qu'une portion d'une problématique plus vaste. Parallèlement au BAPE, le gouvernement devra donc approfondir plusieurs enjeux, dont celui des bénéfices du gaz de schiste, les bénéfices réels.

D'un point de vue environnemental, les ministres Arcand et Normandeau justifient leur enthousiasme pour ce gaz non conventionnel en soulignant que sa combustion émet moins de gaz à effet de serre que celle du pétrole. Vrai.

Mais il ne suffit pas d'extraire ce gaz des gisements de l'Utica pour qu'il soit aussitôt privilégié par les industries et institutions du Québec, responsables de 40% de la consommation de mazout lourd au Canada!

Le gouvernement devra donc nous dire comment il s'y prendra pour convaincre le secteur industriel d'alimenter ses chaudières et fourneaux au gaz naturel, habituellement plus cher que le mazout.

D'un point de vue économique, le gouvernement devra prouver qu'il ne compte pas brader la richesse du sous-sol québécois, comme il l'a fait avec les mines. Avant de récupérer le slogan «Maître chez nous», il devra préciser comment il compte faire fructifier cette richesse.

Il pourrait s'inspirer de la Norvège, qui dépose 96% de toutes les sommes engrangées par la production pétrolière dans un immense bas de laine, afin de réduire plus tard l'impact économique du vieillissement de sa population.

Certains ont évoqué l'idée de garder le gaz de schiste en sol afin que les générations futures en profitent. Or le cas de la Norvège montre qu'il est possible de faire les deux: extraire la ressource en respectant l'environnement et les collectivités et en faire profiter les générations futures.

C'est ce qui permet de relier les mots développement et durable.

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