Le taux de décrochage scolaire est navrant au Québec. Bon an mal an, le tiers des garçons décrochent, le cinquième des filles en font autant.

Le taux de décrochage scolaire est navrant au Québec. Bon an mal an, le tiers des garçons décrochent, le cinquième des filles en font autant.

On a beau multiplier les stratégies, gonfler les enveloppes, demander aux écoles de «faire autrement» et remplacer le mot «décrochage» par «persévérance», rien n'y fait, le taux semble coulé dans le roc depuis deux décennies.

Mais réjouissons-nous, cette époque est révolue. Depuis hier.

Car depuis hier, le taux de décrochage annuel ne se calcule plus de la même manière au Québec. Le ministère de l'Éducation a mis une croix sur sa bonne vieille méthode afin d'en privilégier une autre qui, comme par magie, fera baisser le taux de décrochage de... 6% par année!

Pour faire ses compilations, le gouvernement se fiera désormais aux données du mois d'août, plutôt qu'à celles de janvier. Cela lui permettra d'évacuer du nombre de décrocheurs tous ces jeunes qui quittent l'école secondaire, mais qui «raccrochent», entre janvier et août, en s'inscrivant à la formation professionnelle ou à celle des adultes.

Le changement peut se justifier. Mais la manipulation n'en est pas moins douteuse.

Les gouvernements ont toujours eu la fâcheuse habitude de modifier les chiffres à leur avantage et, comme par hasard, au moment opportun.

Cette fois ne fait pas exception. La méthode de calcul prévalait depuis une bonne dizaine d'années déjà et soudainement, un an après que les commissions scolaires se soient vues imposer des objectifs de rendement, on modifie les règles du jeu... à leur demande.

C'est précisément ce qui est arrivé dans le domaine du recyclage, il y a quelques années. Après avoir adopté des cibles nationales, Québec avait déplacé la récupération des électroménagers d'une colonne à une autre, à la demande des villes. Et paf! Le taux de récupération municipale avait bondi d'un coup!

Chaque fois, la chose s'explique. Mais chaque fois, aussi, elle empêche de comparer les statistiques d'une année à l'autre, elle introduit un biais dans les tendances et les évaluations périodiques du travail accompli.

On rétorquera que l'objectif ultime est d'augmenter le nombre de diplômes, non de diminuer le décrochage comme tel. Ce qui est vrai. Mais c'est néanmoins le taux anormalement élevé de décrochage dans la province qui est le plus souvent cité, c'est celui que l'on brandit pour mobiliser la population.

C'est d'ailleurs ce taux qu'a cité d'entrée de jeu Jacques Ménard, lundi, lors d'un discours devant la Jeune chambre de commerce. C'est ce taux, aussi, qui lui a permis de mettre sur pied son groupe de travail et de convaincre tant de gens et d'organisations de s'impliquer.

Les raccourcis peuvent être tentants après avoir lu l'évaluation accablante de la précédente stratégie gouvernementale. Mais cette manipulation pourrait bien instiller un faux sentiment de réussite, et ainsi, démobiliser tous ceux que l'on a eu tant de peine à motiver.

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