À en croire plusieurs observateurs, la fusillade de Tucson ne serait pas le fruit d'une rhétorique toxique de la droite américaine, mais bien des problèmes mentaux du tueur et des lois permissives sur les armes à feu.

À en croire plusieurs observateurs, la fusillade de Tucson ne serait pas le fruit d'une rhétorique toxique de la droite américaine, mais bien des problèmes mentaux du tueur et des lois permissives sur les armes à feu.

Il est vrai que ces deux derniers ingrédients forment ensemble un cocktail explosif. Un homme de 22 ans, manifestement atteint de troubles mentaux, qui peut se procurer aussi aisément un fusil et le charger par un simple détour chez Walmart est clairement un danger pour toute la population.

Mais Jared Lee Loughner n'est pas qu'un fou armé agissant en dehors de tout contexte. Il ne s'est pas attaqué à la population en général. Il n'a pas tiré à l'aveugle pour évacuer un mal-être pathologique.

Plutôt, il a tiré à bout portant sur une représentante du gouvernement, dans un État connu pour sa radicalisation, dans un contexte national d'immense colère, alors que les «attaques» contre l'«adversaire à abattre» se multiplient et que la droite radicale ne fait plus la distinction entre un discours musclé et un appel aux armes.

On ne peut tout simplement pas séparer le crime de la scène du crime.

Pour s'en convaincre, on n'a qu'à visionner les trois vidéos mises en ligne sur internet par le tueur. L'homme nourrit une haine profonde pour l'appareil politique, une animosité pour les «illettrés» qui le gouvernent et une crainte maladive de l'État et de son contrôle, autant d'éléments qui rappellent les sorties des Palin, Beck, Limbaugh et O'Reilly.

Tendez un fusil à un déséquilibré et il tirera sur tout ce qui bouge; mais tendez un fusil à un déséquilibré dans une ambiance d'acharnement anti-establishment qui glorifie les «assauts» contre «l'ennemi» et il y a de très fortes chances qu'il tire... sur l'ennemi.

Rappelons-nous une histoire similaire, moins connue car moins tragique, survenue dans le même État en 1997. Une élue du comté de Maricopa en Arizona, Mary Rose Wilcox, était alors, elle aussi, la cible d'un tireur. Sa motivation? Il était en colère contre une décision politique de Mme Wilcox, comme l'étaient d'ailleurs, à l'époque, plusieurs animateurs radio qui ne se gênaient pas pour suggérer qu'on abatte cette dernière. «Take her out!», clamaient-ils en ondes.

Comment le tireur a-t-il justifié son geste devant les tribunaux? «Je l'ai tiré parce qu'à la radio on a dit que je devais l'abattre.»

Dans le cas de la fusillade de Tucson, le lien n'est pas aussi évident, mais il existe néanmoins, ne serait-ce qu'indirectement.

Prenons l'exemple de Jesse Kelly, récent adversaire de Gabrielle Giffords, atteinte par balle samedi. Ce candidat du Tea Party a beau avoir invité les électeurs, dans un même slogan, à «chasser» cette dernière et à «tirer une M16 automatique» avec lui, il n'est pas responsable de la fusillade pour autant. Mais il a certainement contribué à créer une atmosphère lui étant propice.

Car la rhétorique haineuse de la droite, qui vise clairement à attiser la colère, a aussi le pouvoir de banaliser les pulsions les plus dangereuses.

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