Québec a opéré une volte-face aussi rapide que surprenante sur le gaz de schiste. De partisan exubérant, il s'est mué vendredi en gardien du bien commun, laissant même planer la possibilité d'un moratoire...

Québec a opéré une volte-face aussi rapide que surprenante sur le gaz de schiste. De partisan exubérant, il s'est mué vendredi en gardien du bien commun, laissant même planer la possibilité d'un moratoire...

Ce changement de ton arrive tard, mais il est bienvenu. Déjà que la population a peu confiance en ce gouvernement, elle avait jusqu'ici l'impression de mener un combat contre un triumvirat composé de l'Association gazière, du Parti libéral et du conseil des ministres (incluant le ministre chargé de protéger l'environnement).

Par son enthousiasme débridé, la porte-parole du gouvernement, Nathalie Normandeau, a exacerbé la suspicion, les inquiétudes et la colère... que son équipe tente aujourd'hui de calmer.

Ce virage est-il feint? Peut-être. Mais il n'en est pas moins salutaire, car il impose au gouvernement une plus grande distance avec l'industrie, une meilleure collaboration avec le BAPE et une vigilance accrue des puits d'exploration.

Sans quoi, les manchettes et témoignages accablants se multiplieront, l'impression de se faire duper se cristallisera et la résistance se durcira.

Cela dit, la tentation d'un moratoire ne nous mènera pas bien loin. Il y a déjà un moratoire de facto sur l'exploitation commerciale, qui n'est pas prévue avant 2014. Et en imposer un sur l'exploration serait contre-productif.

En fait, un moratoire sur l'exploration rendrait le débat public tout à fait surréaliste. Comment discuter de l'exploitation d'une source d'énergie dont le potentiel d'extraction en sol québécois n'a même pas été confirmé?

Enlevons-nous de la tête que la trentaine de puits forés à ce jour servent à enrichir des compagnies étrangères. Elles servent plutôt à tester le terrain. Ce qui profite à tout le monde: à l'industrie en lui permettant de déterminer la quantité de gaz recouvrable, au gouvernement en l'aidant à préciser la réglementation et ses méthodes d'inspection, et aux citoyens en les éveillant aux impacts réels des forages.

Prenons l'exemple des émanations fugitives s'échappant de 19 puits. Si ces fuites sont sans grandes conséquences, leur simple existence, sur un modeste parc de 31 puits, est en revanche fort révélatrice.

D'ailleurs, c'est ce problème qui a permis au ministre Pierre Arcand de conclure que l'industrie «semble avoir perdu le contrôle». Et c'est ce problème qui donne aux groupes de pression une première preuve, locale et tangible, des risques qu'entraîne l'exploitation à grande échelle.

En fait, c'est en partie grâce aux puits exploratoires, qu'il faut voir comme autant de projets pilotes, que l'on saura s'il vaut la peine d'aller de l'avant, si les craintes exprimées sont fondées ou si le gouvernement va trop vite. Quand s'ajoutera le rapport du BAPE, dans un mois, on pourra enfin discuter en relative connaissance de causes, plutôt qu'à partir de documentaires étrangers réalisés par des inconnus.

D'ici là, le gouvernement se doit d'être aussi méfiant qu'il prétend désormais être.

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