Surfant sur la vague de 14 mètres qui a noyé les réacteurs de Fukushima, une coalition politique et environnementale exige la fermeture de Gentilly-2. La demande est opportuniste. Mais elle n'en est pas moins pertinente.

Surfant sur la vague de 14 mètres qui a noyé les réacteurs de Fukushima, une coalition politique et environnementale exige la fermeture de Gentilly-2. La demande est opportuniste. Mais elle n'en est pas moins pertinente.

Le débat public a certes déjà eu lieu il y a deux ans, le gouvernement a annoncé sa décision et Hydro-Québec a en main tous les permis pour rénover la centrale nucléaire. Mais le contexte a suffisamment changé, depuis 2008, pour que l'on s'interroge à nouveau sur le bien-fondé d'une telle réfection. Et cela n'a rien à voir avec Fukushima.

Il y a tout d'abord le coût d'un tel projet. La facture est passée de 1,4 à 2 milliards de dollars... avant même que les outils ne soient sortis du coffre. C'est énorme pour maintenir 2% de la production électrique du Québec!

Le montant est d'autant plus dissuasif qu'à quelques centaines de kilomètres à l'est, une centrale en tout point conforme a vu ses coûts de réfection exploser dernièrement. Le chantier de Pointe Lepreau affiche en effet trois ans de retard et une facture excédentaire de... 1 milliard!

Le risque est à prendre au sérieux, ici au Québec. Surtout que le Nouveau-Brunswick a eu la présence d'esprit de refiler les dépassements de coût à Énergie atomique Canada. Alors qu'Hydro-Québec et ses actionnaires devront assumer seuls la facture, peu importe son prix.

D'ailleurs, l'avenir incertain d'Énergie atomique Canada est un autre élément à prendre en considération. Cette instance étant fournisseur de la technologie nucléaire au pays, cela fait planer une désagréable incertitude sur la gestion de la réfection. Une de plus.

À la lumière de ces réserves, on peut donc à juste titre s'interroger sur l'à-propos d'une telle aventure financière. D'autant qu'elle survient dans un contexte peu favorable: les coffres de l'État sont vides et les réservoirs hydroélectriques, bien pleins.

Hydro-Québec rétorque que malgré ses surplus, la présence d'une centrale puissante là où l'électricité se consomme est importante, vu que les systèmes de stabilisation du réseau sont loin dans le Nord. Soit. Qu'elle utilise à cette fin la centrale au gaz de Bécancour. Cela aurait un impact environnemental mineur et permettrait d'utiliser une usine qui coûte déjà 150 millions par année... même si elle n'a pas été démarrée depuis 2008!

Reste la question du déclassement: vaut-il la peine de mettre la clé dans la porte, sachant que le démantèlement de Gentilly coûtera 1,6 milliard? La réponse est oui, dans un contexte où il n'y a aucun projet nucléaire en vue, et donc aucune nécessité de conserver ici une expertise nucléaire.

On n'échappera pas au coût de fermeture: soit on le paye tout de suite, soit on rénove et on refile la facture aux générations suivantes, avec une bonne quantité de déchets supplémentaires. Une telle logique se défend là où les populations sont croissantes et les ressources énergétiques naturelles, inexistantes. Mais pas au Québec.

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Cet éditorial est le dernier de deux sur le nucléaire. Le premier texte, «Le nucléaire est indispensable», a été publié le 23 mars.

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