L'environnement est-il un enjeu électoral prioritaire? À cette question, les Canadiens répondent oui à plus de 70%. Mais si on leur demande plutôt de nommer les enjeux qu'ils considèrent importants, l'environnement n'est cité que par... 3% d'entre eux.

L'environnement est-il un enjeu électoral prioritaire? À cette question, les Canadiens répondent oui à plus de 70%. Mais si on leur demande plutôt de nommer les enjeux qu'ils considèrent importants, l'environnement n'est cité que par... 3% d'entre eux.

Peu surprenant, face à pareille schizophrénie, que le parti qui caracole en tête des sondages ne sente aucune obligation de se commettre sur le sujet. Ou que les libéraux se contentent de promettre la réintroduction de programmes abolis par leurs adversaires.

Après être entré par la grande porte lors de l'élection de 2008, après avoir alimenté les débats et les promesses, l'environnement a repris le chemin des enjeux imposés mais peu débattus, car peu lucratif.

Comment expliquer qu'en 30 mois à peine, cet enjeu soit passé de prioritaire à secondaire, au point d'être oublié des débats télévisés?

L'environnement, d'abord, a beaucoup souffert de la campagne désastreuse de Stéphane Dion. Cela tient en partie au messager, mais surtout à la politique de la division de Stephen Harper, la fameuse «wedge politic». La taxe carbone a ainsi servi à mobiliser les militants conservateurs et à semer la division, tant dans la population qu'au sein du Parti libéral. Hormis les Verts, plus personne n'ose même évoquer l'idée...

Ensuite, les grands partis ont bien compris que les Canadiens sont résolument en faveur de solides et courageuses mesures vertes... pourvu qu'on ne leur demande aucun sacrifice.

L'oreille attentive aux «focus groups», les grands partis glissent ainsi quelques promesses environnementales dans leur plateforme, histoire de satisfaire sans effaroucher. Ils s'en tiennent à des programmes qui encouragent les bons gestes, à des cibles de réduction des gaz à effet de serre à l'horizon 2050, à une Bourse du carbone, mais ne proposent rien de précis pour s'attaquer à la source du problème.

Il y a enfin le contexte, globalement défavorable à l'environnement. L'économie lui a volé la vedette depuis la crise de 2008, on le sait bien, mais plus encore, les échecs à répétition des dernières années ont laissé leur marque.

Le Canada a tourné le dos à Kyoto, les chefs d'État ont fait de Copenhague un bide, les États-Unis sont incapables d'adopter un projet de loi sur la question, la communauté internationale semble de moins en moins déterminée à prolonger le protocole et la Chine construit trois centrales au charbon chaque semaine. Si bien que les électeurs ont fini par se convaincre qu'ils sont impuissants, que l'enjeu est sans issue...

Au fil des mois et des échecs, l'environnement s'est ainsi ghettoïsé. L'enjeu se retrouve toujours au coeur des plateformes du Parti vert, du NPD et du Bloc, comme le faisaient remarquer les groupes environnementaux en conférence de presse, hier. Mais il est négligé par les deux partis ayant une chance de mettre leurs idéaux en pratique. Avec la connivence des électeurs.

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