Des professeurs du cégep Saint-Hyacinthe en colère ont pondu un brûlot, ces derniers jours, dans lequel ils s'élèvent contre le maternage des cégépiens, l'encadrement excessif auquel ils disent être obligés de se livrer.

Des professeurs du cégep Saint-Hyacinthe en colère ont pondu un brûlot, ces derniers jours, dans lequel ils s'élèvent contre le maternage des cégépiens, l'encadrement excessif auquel ils disent être obligés de se livrer.

Dans leur «Manifeste pour un Québec éduqué», ils dénoncent les «pédadingos» qui croient qu'en «allant reconduire les étudiants à la porte de leurs cours, en les tenant par la main, en les mouchant et en écoutant leurs jérémiades», on augmentera leurs chances de réussite.

Disons-le d'emblée, les auteurs ratent complètement la cible. Feignant de s'attaquer à la réforme et au «nivellement par le bas» qui en résulte, ils se livrent en fait à une charge à fond de train contre la génération Y, pour qui ils ne semblent avoir que mépris.

Le salmigondis de critiques confuses qu'est leur manifeste se concentre en effet sur l'encadrement des «étudiants de la réforme», comme si l'un suivait l'autre, comme si le maternage était le fruit de la réforme. Or il y a maintenant 10 ans que les cégeps ont choisi de se faire plus sensibles aux besoins des jeunes, d'intervenir de manière plus serrée pour minimiser les risques de décrochage.

Les enseignants de Saint-Hyacinthe y voient une terrible «infantilisation», ils dénoncent cette «nouvelle religion des cégeps qui s'agenouillent devant la réussite à tout prix». Mais n'est-ce pas plutôt une simple adaptation de l'école à sa jeune clientèle, une façon d'accroître la rétention de ces enfants-rois devenus jeunes adultes?

On peut certes se désoler des caprices et des «jérémiades» de ces étudiants habitués à ce que tous se plient en quatre devant eux. Mais on ne peut en faire abstraction, on ne peut agir avec ces jeunes comme on le faisait avec leurs parents au même âge.

Comme le souligne le philosophe Michel Serre dans son magnifique texte Éduquer au XXIe siècle, la génération montante est si différente des précédentes, qu'on a l'impression qu'«un nouvel humain est né». «Il ou elle connaît autrement.»

Fruits de «parents curling» ayant toujours tout balayé devant eux, ces enfants ont aujourd'hui besoin d'une attention particulière. Ne s'étant jamais fait dire non, ils ont la contestation facile. Ayant obtenu des félicitations pour un rien, ils refusent la critique. Ayant appris à verbaliser leurs besoins, ils ont toujours à redire.

Les stratégies pédagogiques, qu'on le veuille ou non, doivent être repensées en conséquence si l'on veut éviter de perdre ces «apprenants» en chemin. Précisément ce que reconnaissent la douzaine de profs des collèges Ahuntsic, Montmorency et André-Laurendeau, entre autres, qui ont répondu avec leur propre manifeste («De meilleurs diplômes»), autrement plus nuancé.

Disons-le, il est possible de favoriser la réussite sans niveler par le bas. De comprendre sans se mettre à genoux. De s'adapter sans succomber à toutes les lubies. D'encadrer sans infantiliser. D'écouter sans plier.

Cela n'a rien à voir avec les excès de la pédagogie socioconstructiviste, plutôt avec le fossé des générations, qu'il faut apprendre à traverser.

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