Lorsque l'ancêtre de l'internet a vu le jour en 1969, le travail à distance est soudainement devenu possible. On croyait alors qu'il ne suffirait que d'une vingtaine d'années pour que la quasi-totalité des employés travaille à domicile. On évoquait même le «choc du futur»...

Où sont tous ces travailleurs aujourd'hui? Dans leur auto, seuls, à faire la navette quotidienne entre la maison et le bureau, en pleine heure de pointe...

Les plus récentes données de Statistique Canada montrent en effet que le télétravail n'est l'apanage que d'une infime minorité de la population. Les employés rémunérés travaillant au moins quelques heures à la maison chaque semaine ne constituaient que 10% de la population en 2000. Huit ans plus tard, ils étaient... 11%.

Pourtant, depuis 40 ans, tout semble nous mener vers le télétravail. Le secteur des services a remplacé l'activité manufacturière. La plupart des emplois ne nécessitent qu'un ordinateur et un branchement haute vitesse. Les outils de collaboration sont à la fine pointe. La conciliation travail-famille s'inscrit tranquillement dans les moeurs.

Ajoutons à cela un souci environnemental (un petit peu) plus important, un litre d'essence qui ne baissera plus jamais sous le cap du 1$, un budget transport qui gonfle d'année en année et surtout, une durée moyenne de déplacements qui ne cesse de croître, comme l'a aussi démontré Statistique Canada, la semaine dernière.

Pas étonnant que la majorité des travailleurs souhaiteraient pouvoir travailler dans le confort de leur foyer (entre 55 et 80%, selon divers sondages).

Dans ce cas, pourquoi ne le font-ils pas? Parce que les employeurs, à tort ou à raison, ne sont que peu sympathiques au télétravail. On peut bien leur faire miroiter des hausses de productivité, une baisse des dépenses et une meilleure rétention des employés, ils n'en ont souvent que pour les écueils possibles: les employés qui «volent» des heures, l'effritement du travail d'équipe, la disparition du sentiment d'appartenance à l'entreprise...

C'est ce qui explique que le télétravail, après avoir fait beaucoup jaser dans les années 90, a tranquillement perdu sa place dans le discours des entreprises. Il a même reculé dans certains secteurs comme la gestion, les services administratifs et l'administration publique.

Or il serait grandement temps de dépoussiérer l'idée du télétravail dans les entreprises, de réaliser enfin une analyse des coûts ET des bénéfices de cette mesure, si l'on en croit le récent sondage de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Les travaux routiers, y apprend-on, ont un impact sur la gestion des employés pour 55% des entreprises. Et parmi elles, près de la moitié affirment perdre des candidats parce que ces derniers refusent de traverser les ponts...

Dans un contexte de rareté de la main-d'oeuvre, c'est un message que les entreprises montréalaises ne peuvent ignorer.

francois.cardinal@lapresse.ca

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