Année après année, à coup d'entrevues et de communiqués, l'Université McGill s'enorgueillit de ses succès internationaux. Encore cette semaine, elle s'est vantée de sa 17e place au classement QS, devant les autres établissements canadiens.

McGill mérite peut-être de tels éloges, mais on ne peut en dire autant des palmarès sur lesquels elle s'appuie pour s'autocongratuler, des palmarès pernicieux et potentiellement délétères.

Les premiers «rankings» appliqués à l'enseignement supérieur ont vu le jour aux États-Unis il y a 25 ans. Puis ils ont pris une ampleur internationale au gré de la popularité des études postsecondaires, de la mondialisation et de la concurrence entre universités qui s'en est suivie.

Il existe aujourd'hui trois grands classements «reconnus» à l'international: le QS Top Universities, le Times Higher Education et le Jia Tong de Shanghai. Chacun a sa méthodologie, ses critères, sa pondération, mais tous visent une même chimère: comparer des centaines d'universités - et donc des milliers de programmes hétéroclites -, puis les classifier à l'aide d'une unique cote, dans un unique classement.

Outre la simplification à outrance, le problème se trouve dans l'utilisation hasardeuse qui est faite de ces palmarès, tant par les étudiants, qui choisissent ainsi leur alma mater, que par les universités, qui les brandissent tels des diplômes garants de leur qualité!

Or il n'y a rien de moins scientifique que ces palmarès, en particulier celui qu'élabore QS à partir d'un sondage sur la réputation des établissements (celui-là même que McGill qualifie sans rire de «prestigieux» !).

D'abord, ils ont un problème de constance. Constance des classements, chacun proposant un top 100 qui n'a rien à voir avec le suivant, ce qui prouve la présence d'un jugement normatif à la base. Et constance des résultats, très fluctuants d'une année à l'autre, ce qui démontre leur manque de fiabilité. Comme le souligne le professeur de l'UQAM Yves Gingras, «les grandes institutions sont des paquebots qui ne changent pas de cap rapidement», ce qui fait réfléchir quand on voit McGill dégringoler de 18 places puis en reprendre 6 par la suite!

Il y a ensuite des biais intrinsèques à chacun des palmarès. Tous privilégient les établissements anglo-saxons, mais le classement de Shanghai favorise un peu les universités américaines, tandis que le Times et le QS avantagent les établissements britanniques.

Enfin, il y a les critères douteux de ces classements. L'un, par exemple, s'appuie sur le nombre d'articles publiés, ce qui favorise les universités dotées d'une faculté de médecine. L'autre se fonde sur le nombre de prix Nobel qu'ont remportés les anciens étudiants de l'université, ce qui en dit plus sur les succès passés d'un établissement que sur sa valeur actuelle.

Cela dit, l'idée n'est pas de clouer ces classements au pilori. Mais plutôt de s'interroger sur la pertinence de les populariser, comme le font les universités, et sur les risques que de tels outils marketing font courir à ceux qui y sont trop attentifs.

Des établissements à vocation scientifique n'ont pas à se targuer de classements qui le sont si peu.

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