Le promoteur Luc Poirier a finalement accepté de céder son terrain de l'île Charron pour 15 millions de dollars. La facture est salée, mais il s'agit néanmoins d'une victoire pour les Québécois, une triple victoire même.

D'emblée, soulignons que le gouvernement n'a eu d'autre choix que de se porter au secours de cette île abandonnée au plus offrant par le Mouvement Desjardins, en 2007. Propriétaire du terrain par l'entremise d'une filiale, cette dernière avait bien envisagé d'en faire don, mais «en vertu des règles de gestion saine et prudente» (et non de sa politique de développement durable), elle avait choisi de la vendre pour 6 millions.

On comprend l'acheteur, moins le vendeur... Il est ici question d'un terrain de 20 ha constitué à moitié de milieux humides, baignant dans l'archipel des îles de Boucherville, doté d'un magnifique panorama sur Montréal. Un terrain, en outre, qui jouxte un parc national très populaire... sans en faire partie.

Aussitôt acquise, cette île ne pouvait donc mener qu'à de la surenchère. Ce à quoi, heureusement, le gouvernement s'est refusé. Il a ainsi acquis le terrain à sa valeur écologique (5,50 $/pi3), non pas commerciale (28 $/pi3). Première victoire.

Certains répliqueront qu'une telle somme aurait pu servir ailleurs. Mais il faut savoir que d'une façon ou d'une autre, les contribuables auraient eu à payer pour l'île Charron. S'il n'y avait pas eu d'entente, deux avenues étaient possibles : l'expropriation et la construction.

La première aurait impliqué des frais juridiques et une indemnité qui, additionnés, auraient pu être déraisonnables si l'on se fie aux pertes de revenus du promoteur, qu'il évalue à... 40 millions! Quant à l'autre option, elle aurait obligé la collectivité à assumer une bonne partie des frais de raccordement, de desserte et d'entretien du nouveau développement, qu'une étude de l'UQAM évalue à... 30 millions. Deuxième victoire.

Cela dit, le mérite de l'acquisition de l'île Charron ne se mesure pas qu'en argent. Ce gain environnemental envoie en effet un puissant message pour l'avenir de la région, au moment où l'on étudie le Projet métropolitain d'aménagement.

La mise en réserve de 2007, les négociations qui ont suivi ainsi que la mobilisation de tous les partis provinciaux ont en effet montré que la protection du territoire est prise au sérieux dans les officines. De la même manière, la pétition de 20 000 noms pour l'île Charron, le référendum en faveur de l'île au Foin à Carignan et l'implication des citoyens pour sauver les trois grandes îles de la rivière des Mille-Îles ont confirmé le besoin pour une conservation plus ambitieuse.

Vrai, près de 10% de la région est protégée, soit plus que l'ensemble de la province (8%). Mais il faut savoir que les trois quarts de cette superficie se trouvent en milieu aquatique. Il importe donc, maintenant, de se concentrer sur les milieux terrestres. Et en ce cela aussi, la protection de l'île Charron est une victoire.

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