Au lendemain de la Journée internationale de la femme, l'Assemblée nationale reprend ses travaux. Parmi les sujets qui occuperont les élus à partir d'aujourd'hui, reviendront, aussi prévisibles que le dégel printanier, ces problèmes qui ne semblent jamais devoir trouver une solution. La protection de la langue française. Le dépérissement des grands équipements étatiques - systèmes de santé, d'éducation, de transport.

Et le pourrissement du dossier des relations interculturelles, dans lequel le statut de la femme occupe une place prépondérante.

Le cas de Naema Ahmed, on le sait, a ressuscité le cadavre que, depuis des mois, divers pouvoirs politiques et intellectuels tentaient d'enterrer au fond du jardin. Or, quelle que soit l'opinion que l'on ait des dieux, des voiles, des compromis et des valeurs, on reconnaîtra que cette inhumation est impossible: le corps grouille. Non seulement rien n'est réglé, en effet. Mais, sur le marché de l'accommodement, l'escalade dans la demande et la réticence grandissante dans l'offre indiquent assez bien que la crise menace.

 

On peut certes mettre au compte du gouvernement Charest, timoré donc immobile, une grande partie de ce désastre.

Mais il est patent que la société québécoise elle-même est embrouillée. Sinon, certaines gauches, y compris féministes, ne défendraient pas de façon aussi extraordinairement naïve des obscurantismes bondieusiens dont, toujours, partout et en toutes circonstances, les premières victimes sont les droits fondamentaux.

Se peut-il que le niqab de Naema Ahmed aide au bout du compte à débrouiller l'affaire?

Chose certaine, la charge symbolique du voile islamique intégral, burqa ou niqab, est exceptionnellement lourde. Lourde d'abord de la pression sur la société que l'«accommodement» de ce vêtement exerce. Lourde ensuite du rappel qu'il fait des plus sombres mises en garde que des femmes musulmanes, placées aux premières loges pour en juger, ont émises à l'endroit du militantisme islamiste - pour mémoire: Djemila Benhabib, Irshad Manji, Ayaan Hirsi Ali, Taslima Nasreen, d'autres encore.

Benhabib, auteure québécoise d'origine algérienne, répète aujourd'hui: «Lorsque les voiles avancent, les valeurs démocratiques reculent.» Et une artiste que personne ne soupçonnera de faire de l'activisme politique, la chanteuse Lynda Thalie, émigrée elle aussi de son Algérie natale, prévient: «Voir ça s'installer ici, au Québec, vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça peut me terroriser...» (à l'émission Je l'ai vu à la radio, 6 mars).

Pourquoi diable n'écoute-t-on jamais ces femmes?

Autre question: comment le fondamentalisme religieux (islamiste, certes, mais d'autres dénominations aussi), dont les adeptes ne doivent tout de même pas être si nombreux au Québec, parvient-il à occuper un espace aussi considérable dans le débat public?

Et une dernière: qu'est-ce que cette redoutable efficacité devrait nous apprendre - et nous faire craindre - au sujet de l'intégrisme?