Un effet pervers de la politique canadienne du multiculturalisme est-il de favoriser la culture des extrêmes et la greffe, ici, de conflits qui nous sont étrangers? Ujjal Dosanjh, ex-premier ministre de la Colombie-Britannique et aujourd'hui député de Vancouver-Sud à Ottawa, en est convaincu.

Un effet pervers de la politique canadienne du multiculturalisme est-il de favoriser la culture des extrêmes et la greffe, ici, de conflits qui nous sont étrangers? Ujjal Dosanjh, ex-premier ministre de la Colombie-Britannique et aujourd'hui député de Vancouver-Sud à Ottawa, en est convaincu.

Dosanjh est de confession sikhe. Sa dénonciation de l'extrémisme de certains de ses coreligionnaires lui a valu, en février 1985, d'être agressé et grièvement blessé. Il avait alors mis en garde les autorités canadiennes contre la montée de l'extrémisme sikh. Quelques mois plus tard survenait l'explosion en plein vol d'un Boeing d'Air India en partance de Montréal. Cette tragédie, dont on marquera en juin prochain le 25e anniversaire, a fait 329 morts et demeure le pire attentat terroriste de l'histoire canadienne.

Or, Ujjal Dosanjh est à nouveau menacé.

Il y a huit jours, on lui a signifié qu'il devrait «assurer sa propre sécurité» s'il assistait à un défilé (comprenant un hommage aux «martyrs» de la cause indépendantiste sikhe) organisé par sa communauté. Depuis jeudi, il est explicitement menacé de mort.

Voyant cela, le député constate que le militantisme sikh est «plus enraciné et sophistiqué» au Canada aujourd'hui qu'à l'époque du massacre d'Air India. Qu'il est même d'une certaine façon plus puissant qu'il ne l'est au Punjab! C'est d'ailleurs un sujet qu'a récemment abordé le premier ministre indien, Manmohan Singh, avec son homologue canadien.

Certes, les communautés sikhes sont surtout présentes au Canada anglais, bien que nous ayons vécu au Québec la saga du kirpan à l'école. Cependant, l'évaluation que fait Ujjal Dosanjh de la situation dépasse le cas particulier des sikhs.

La rectitude politique et le multiculturalisme, dit-il, permettent à divers extrémismes de prospérer au sein, non seulement de la communauté sikhe, mais aussi d'autres groupes ethniques ou religieux.

«Le concept de multiculturalisme a été complètement déformé pour en venir à signifier que n'importe qui peut adopter n'importe quelle croyance, même ridicule ou outrageante, et qu'il faut accepter cela au nom de la diversité!» constate Dosanjh. Il ajoute que cette quête multiculturelle «conduit à exacerber les différences» sans proposer «l'adhésion aux valeurs communes» (tiré d'entrevues données à la CBC, au Globe and Mail et au National Post).

Le député n'est pas le premier à constater ce fait.

Mais ce discours ne porte pas, même venant d'un membre d'une communauté culturelle qui sait de quoi il parle, parce que le poids conjugué du dogme d'État et de la rectitude politique empêchent de l'entendre. La même forme de surdité accueille, au Québec, les mises en garde faites par des musulmans - en fait, surtout des musulmanes - qui ont subi l'intégrisme et supplient leur société d'accueil de ne pas le prendre à la légère.

C'est un contexte dans lequel le principe de précaution, valide en tout autre domaine, ne semble pas s'appliquer.