Si on n'y avait pas parlé d'avortement, personne n'aurait probablement prêté attention à la rencontre de Halifax destinée à préparer le sommet du G8 prévu en juin, en Ontario...

Si on n'y avait pas parlé d'avortement, personne n'aurait probablement prêté attention à la rencontre de Halifax destinée à préparer le sommet du G8 prévu en juin, en Ontario...

La rencontre a servi à mettre au haut de l'agenda le dossier de la santé des femmes, en particulier dans le contexte de la grossesse et de la naissance, dans les pays en développement. Et, ainsi donc, elle aura également été utilisée par le gouvernement Harper pour afficher son refus d'allouer de l'aide à des programmes de santé et de contraception qui incluraient l'interruption volontaire de grossesse.

D'autres pays du G8, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, n'ont pas de telle réticence (d'autres encore ne se sont pas prononcés). On se rappelle que la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a récemment semoncé Ottawa à ce sujet. Cependant, on s'est entendu à Halifax pour décréter qu'il appartiendra à chaque membre du G8 de définir sa politique, quels que soient les casse-têtes logistiques que cela pourrait entraîner.

En tout état de cause, la ministre canadienne de la Coopération internationale, Bev Oda, a présenté cette entente comme un «progrès».

Un progrès? Peut-être.

Mais l'occasion choisie par le gouvernement conservateur pour afficher son opposition à l'avortement mystifie, littéralement. Nous l'avons déjà noté ici: il n'existe aucune assise, ni politique ni morale, justifiant une telle attitude.

Au Canada, malgré une opinion publique éternellement divisée sur le sujet, le fait est que les femmes jouissent du droit d'obtenir un avortement de façon légale et sécuritaire. Or, comment ce même pays, développé et riche, pourrait-il refuser cet accès aux femmes des pays pauvres et en développement? Et comment le gouvernement Harper peut-il se présenter sur la scène internationale en porte-à-faux par rapport à la réalité canadienne?

Ironiquement, tout cela survient au moment où on apprend que la mortalité liée à la grossesse et à l'accouchement a diminué du tiers dans le monde (d'un demi-million à 343 000 décès entre 1980 et 2008).

Selon le Guttmacher Institute, le nombre d'avortements a diminué aussi, passant de 46 à 42 millions entre 1995 et 2003. Cependant, cette diminution des procédures d'IVG a surtout été observée dans les pays développés, où elles sont sécuritaires. Dans les pays moins favorisés, la procédure n'est pas sûre dans 55% des cas, et 95% en Afrique et en Amérique latine!

Résultat des courses?

Un: l'accès légal à l'avortement, tel que vécu dans les pays développés, est compatible avec la diminution de son utilisation. Deux: une Africaine, par exemple, court 65 fois plus de risques qu'une Nord-Américaine ou une Européenne (650 contre 10 par 100 000) de mourir des suites d'un avortement!

Sachant tout cela, la position que défendra le Canada au prochain Sommet du G8 apparaît, précisément en ce qui touche la santé des femmes dont on dit se préoccuper, d'une cruelle absurdité.