Ils sont fous, ces Gaulois. En particulier ceux qui s'agitent dans et autour du petit monde du cinoche. On sait quel dédain ils affichent en général pour le «cinéma hollywoodien» (marque déposée), cette grosse machine agricole productrice de navets impériaux.

Ils sont fous, ces Gaulois. En particulier ceux qui s'agitent dans et autour du petit monde du cinoche. On sait quel dédain ils affichent en général pour le «cinéma hollywoodien» (marque déposée), cette grosse machine agricole productrice de navets impériaux.

Pourtant, Le Monde a amorcé sa couverture du 63e Festival de Cannes sur une note angoissée, et pas de n'importe quelle angoisse. «Où est donc passé le cinéma américain? Qui va faire vibrer la Croisette en l'absence du bataillon habituel de stars hollywoodiennes?» geint le prestigieux quotidien en mesurant la diminutive présence américaine, cette année, à Cannes.

Il est vrai qu'en France, on a l'habitude de se requinquer le projecteur avec la scintillante étoile américaine. Et il n'y a pas que les starlettes. Le président du jury cannois, Tim Burton, est américain. Il y a à Deauville un festival entièrement consacré au cinéma américain. Et, de Jerry Lewis à Michael Moore, il n'est pas un seul cabotin born in USA que la France n'ait couvert d'honneurs - les «hommagés» de Deauville à eux seuls sont plus de 125!

C'est donc la gigaproduction hollywoodienne Robin Hood (à l'affiche partout depuis hier) du Californien d'adoption Ridley Scott qui a ouvert Cannes, cette semaine. Et le parterre cannois l'encense, bien sûr, nonobstant sa déclaration à l'effet que «c'est idiot de voir le cinéma uniquement comme un art, car si les films ne se vendent pas, vous n'avez plus de cinéma»...

Imaginez si le patron de la SODEC, François Macerola, osait un tel discours! Ce n'est pas au supplice de la pétition qu'on le soumettrait, mais à la guillotine!

Rappelons que Macerola s'est récemment fait frotter les oreilles par les gens de l'art après avoir déclaré que, sous sa gouverne, la SODEC ne s'intéresserait pas uniquement aux films dits d'auteur - par opposition aux films dits commerciaux, bien entendu. Or, ici, on ne badine pas avec ça. Les débats de théologiens sur le sexe des films sont une affaire d'État - c'est le cas de le dire! - même si le cinéma en soi n'a nul besoin de ces besogneux conciles.

Et même si le public, lui, s'en fiche éperdument.

Trêve de plaisanteries sur l'américanophilie-phobie française, le Festival de Cannes est devenu le grand événement qu'il est précisément parce qu'on y mélange savamment les genres. Parce que c'est là où «l'art et l'argent se rencontrent», titre The Gazette, pour qui la projection en ouverture du film Robin Hood est le symbole même de l'événement.

Qui est ce Robin, en effet? Un révolutionnaire anti-establishment qui vole aux riches pour donner aux pauvres et que Sir Ridley Scott, sacré chevalier de la Couronne britannique, immortalise à Hollywood à coups de centaines de millions!

Peut-on trouver, entre fiction et réalité, plus parfaite fusion d'éléments contradictoires?