Au Canada en général et au Québec en particulier, la droite gagne du terrain. Cette constatation n'est plus un cri d'alarme rituel venant d'une gauche soucieuse d'afficher sa courageuse vigilance, mais correspond bel et bien à une réalité: la droite morale (par opposition à la droite économique, qui lui est étrangère) a le vent dans les voiles.

Au Canada en général et au Québec en particulier, la droite gagne du terrain. Cette constatation n'est plus un cri d'alarme rituel venant d'une gauche soucieuse d'afficher sa courageuse vigilance, mais correspond bel et bien à une réalité: la droite morale (par opposition à la droite économique, qui lui est étrangère) a le vent dans les voiles.

Cette sorte d'escouade de la moralité parvient de plus en plus souvent à placer son agenda au coeur du débat public. Et il lui importe peu qu'elle y soit vilipendée. Son raisonnement est: n'importe quel discours, même le plus excentré, laissera des traces dans l'air ambiant. Ensuite, on ne sait jamais...

C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la récente sortie du cardinal Marc Ouellet, dont le «poids» médiatique aura peut-être excédé celui des plus fières victoires - ou des plus désolantes défaites - du Canadien!

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L'homme d'Église ne présente pas un cas isolé dans un paysage social où, cette exception mise à part, la morale serait rigoureusement à sa place, c'est-à-dire logée dans la conscience de chacun.

Au contraire, la morale envahit tout.

Certes, le gouvernement Harper est vite pointé du doigt lorsque ce sujet est abordé. On connaît la genèse du Parti conservateur ainsi que les quelques initiatives «morales» que le gouvernement qui en est issu a osées. Néanmoins, Stephen Harper est sous haute surveillance et sert surtout d'épouvantail: à ce point de vue, il gère un gouvernement presque désarmé.

Il y a pire.

Par exemple, la tolérance de plus en plus grande exercée vis-à-vis les manifestations les plus extrêmes des doctrines religieuses les plus extrêmes, elles aussi, relève de cette nouvelle morale qui s'impose. Une société qui accepte de bon gré de cacher ses femmes derrière des vitres givrées ou des mètres de tissu accepte implicitement de voir l'avortement remis en question. De fait, c'est exactement ce qui se produit.

Mais la nouvelle morale n'est pas nécessairement liée à la religion.

Ainsi, difficile de dire si la débauche de scandales touchant les administrations publiques relève d'un plus grand nombre de malversations ou de la quête d'une pureté morale inatteignable. La santé et l'éducation demeurent des zones sinistrées parce que la défense des vertus cardinales associées au modèle québécois étouffe toute idée de progrès... comme on a pu à nouveau le constater lors du dernier conclave péquiste. Le dossier du réchauffement climatique, de nature scientifique, est surtout traité sous l'angle moral. Même chose pour l'aide humanitaire: le prêche moralisateur des vedettes du rock est devenu beaucoup plus important, pour les décideurs comme pour les médias, que ce qui se passe sur le terrain - d'où le fait que, précisément, il ne s'y passe pas grand-chose!

Après tout cela, il est assez comique de voir les parangons de vertu de toutes obédiences déplorer la perte du sens moral.