Geste d'apaisement ou persévérance dans la défense de la doctrine officielle de l'Église? Toujours est-il que le cardinal Marc Ouellet a jugé utile de revenir de façon plus posée sur le sujet de l'avortement, qui lui a récemment valu des remarques assez dures de part et d'autre.

Geste d'apaisement ou persévérance dans la défense de la doctrine officielle de l'Église? Toujours est-il que le cardinal Marc Ouellet a jugé utile de revenir de façon plus posée sur le sujet de l'avortement, qui lui a récemment valu des remarques assez dures de part et d'autre.

Ainsi, plutôt que d'utiliser le mot «crime», il a cette fois préféré parler de «désordre moral grave» pour qualifier l'avortement. Et il a donné l'assurance que son souci premier est «la santé physique, psychologique et spirituelle de la femme en difficulté»... une préoccupation qui était assez peu évidente lorsqu'il a déclaré que, même en cas de viol, l'avortement n'est pas justifié.

«Dieu seul est juge», conclut maintenant Marc Ouellet à ce sujet.

* * *

En attendant ce divin verdict, une vieille maxime anglo-saxonne fera l'affaire. Elle édicte que «si ce n'est pas brisé, on ne répare pas».

Or, le statut moral et politique de l'avortement n'est pas «brisé». Et le débat sur le sujet, que le cardinal voit comme étant rouvert au Québec, ne l'est à peu près que dans sa sphère d'influence.

Dans nos deux capitales (oui, même à Ottawa, où ce n'est pourtant pas l'envie d'en découdre avec les pro-choix qui manque!), le débat est donné comme clos. Chez ceux qui sont opposés à l'avortement, seule une minorité milite activement pour une réouverture du dossier. Et, même divisé, le grand public compose avec la situation actuelle. Laquelle, soit dit en passant, n'est pas celle d'un vide juridique total, comme l'affirme Marc Ouellet.

Ce n'est d'ailleurs pas la seule erreur qu'il commet.

Contrairement à ce qu'il perçoit, en effet, les professionnels de la santé consacrent en général beaucoup de temps aux femmes qui désirent interrompre leur grossesse. Ensuite, son image-choc de la «jeune fille de 16 ans» candidate à l'avortement n'est pas typique de la fréquentation réelle de cette procédure: c'est surtout entre 20 et 29 ans qu'une femme y a recours - cela change beaucoup de choses. Enfin, mettre en accusation dans ce dossier «les hommes et la société» tient à la fois de la plate vulgate gauchisante (ce qui ne manque pas de sel, en l'occurrence!) et de l'ignorance d'un fait tout simple: ce sont les femmes qui, de haute lutte, ont conquis ce droit...

Une dernière chose.

Par métier, le cardinal Ouellet se place évidemment sur le terrain de la morale religieuse. Mais en relogeant une de ses constatations sur celui de la simple humanité, on pourrait convenir avec lui que le grand nombre d'avortements pratiqués au Québec - bien que, depuis 2004, ce nombre ait diminué - constitue un problème à résoudre.

Hélas, là encore, ce n'est pas son Église qui, en se limitant à condamner la contraception, va beaucoup aider.