La défense de la liberté d'expression est la discipline la plus «style libre» qui soit. Ses grands ténors y vont à la tête du client. Ils hurleront s'il s'agit de défendre une cause accréditée par la confrérie. Mais si l'impétrant n'est pas du «bon bord», ils demeureront silencieux ou plaideront... en faveur de la censure, tout bonnement! Pourquoi pas?

La défense de la liberté d'expression est la discipline la plus «style libre» qui soit. Ses grands ténors y vont à la tête du client. Ils hurleront s'il s'agit de défendre une cause accréditée par la confrérie. Mais si l'impétrant n'est pas du «bon bord», ils demeureront silencieux ou plaideront... en faveur de la censure, tout bonnement! Pourquoi pas?

Ainsi, la cause canadienne la plus importante en cette matière depuis des décennies s'est instruite sans que, au Québec, aucune union d'écrivains ou fédération de journalistes n'émette la plus timide onomatopée à la défense de la liberté d'expression, pourtant attaquée à la tronçonneuse. La victime? Un journaliste et écrivain poursuivi par l'État dans trois (trois!) juridictions différentes en raison de ses écrits, Mark Steyn.

Lequel, il est vrai, fait profession de ne pas être du «bon bord».

Récemment, une nuée d'associations et d'individus amateurs de liberté d'expression ont réclamé la... censure la plus soviétique qui soit: la condamnation d'une nouvelle chaîne de télé avant même qu'elle entre en ondes! Il s'agit du réseau d'information en continu de Sun Media, encore inexistant, rappelons-le, mais déjà qualifié de «Fox News du Nord» et de «colporteur de haine» par une panoplie d'écrivains, de journalistes, de droits-de-l'hommistes.

Dont la papesse de la littérature canadienne, Margaret Atwood, par ailleurs grande consommatrice de droit de parole.

* * *

Ce qui nous mène à Molly Norris.

Elle est - était - la caricaturiste du Seattle Weekly et de City Arts. Elle a dénoncé la censure d'un épisode de South Park, amputé d'images de Mahomet: les producteurs craignaient pour leur vie. Pour ce faire, Molly Norris a suggéré sur le ton de l'humour (rappel: elle est caricaturiste) une journée «Tout le monde dessine Mahomet»!

Or, le Seattle Weekly annonce que, sous les conseils du FBI, Norris a abandonné son travail, changé d'identité et est littéralement disparue, objet d'une fatwa émise par l'imam yéménite Anwar al-Awlaki (l'ex-directeur de conscience du major Nidal Malik Hasan, le tireur de Fort Hood; 13 morts, 30 blessés). Apparemment, même les forces de l'ordre américaines refusent d'assumer les coûts de la protection de la jeune femme.

En l'occurrence, est-il extravagant de se demander quel grand ténor se portera à la défense de Molly Norris?

Votre page éditoriale préférée vous donne la réponse en grande primeur mondiale: personne ne le fera. Parce que la liberté d'expression «est sans limites quand ses flèches sont dirigées vers les faibles», mais «elle est extrêmement limitée lorsqu'elle attaque les forts, ceux qui répliquent par la terreur et l'assassinat», dit le journaliste norvégien Edgar Kokkvold, menacé de mort lui aussi (cité dans Surrender, de Bruce Bawer, notre traduction).

Molly Norris est maintenant seule au monde avec les cendres fumantes de ce qui était jadis sa liberté d'expression.