Sécurité d'un côté, liberté de l'autre. À quoi faut-il donner la préséance? Scrutant le cas du plus célèbre couple défait du Québec, celui d'Éric et de Lola, la Cour d'appel choisit la sécurité. À partir de ce cas particulier, les juges attribuent aux 1,2 million de conjoints de fait de la province la même sécurité en matière de pension alimentaire que celle dont jouissent les gens mariés.

Sécurité d'un côté, liberté de l'autre. À quoi faut-il donner la préséance? Scrutant le cas du plus célèbre couple défait du Québec, celui d'Éric et de Lola, la Cour d'appel choisit la sécurité. À partir de ce cas particulier, les juges attribuent aux 1,2 million de conjoints de fait de la province la même sécurité en matière de pension alimentaire que celle dont jouissent les gens mariés.

Éric et Lola, on le sait, sont des noms d'emprunt désignant un entrepreneur millionnaire et la conjointe de fait avec laquelle il a eu trois enfants. Ces derniers ne sont pas concernés: pour les «alimenter», Lola s'est déjà vu allouer un train de vie de... millionnaire, justement, qu'Éric assume depuis des années.

Non, il est question de la sécurité financière de Lola elle-même, une femme comptant parmi les happy few devenue l'emblème improbable d'une lutte à saveur égalitariste lourde de conséquences pour des millions de petites gens, conjoints actuels ou futurs...

* * *

Ainsi donc, la Cour d'appel juge discriminatoire la situation actuelle où couples mariés et en union de fait n'ont pas les mêmes droits. Non seulement cette situation est-elle injuste pour le conjoint de fait placé par la vie commune en situation de dépendance économique, estime le tribunal. Mais elle contrevient au rôle «social» de la pension alimentaire.

Voilà pour la sécurité. Et la liberté, maintenant?

La Cour d'appel n'ignore pas le dilemme. Revoyant la jurisprudence, elle note que d'autres cours de justice ont bel et bien protégé la liberté d'un couple de «gérer» à sa convenance la vie commune. En choisissant de ne pas se marier et de ne pas officialiser leur union, tout simplement. Cependant, faisant la balance des avantages et des inconvénients, les juges Beauregard, Dutil et Giroux estiment qu'il est préférable de sacrifier cette liberté - ce qu'ont déjà décidé aussi les législateurs du reste du Canada.

Or, malgré cette belle unanimité, ce sacrifice peut laisser perplexe.

Sur le plan des principes, d'abord, il est toujours un peu terrorisant (surtout lorsque c'est systémique) de voir l'État s'approprier un champ de décision appartenant jusque-là au citoyen majeur et vacciné.

Au plan pratique, ensuite, on ne gère pas ici une conserverie de petits pois. Comment mener une vie amoureuse souvent faite d'unions se succédant au fil des décennies si chacune d'elles, indépendamment de la volonté de chacun, laisse de lourdes traces légales et économiques? Et pour réintroduire un peu de poésie dans ce débat glacial: qu'en pensent les jeunes tourtereaux d'aujourd'hui?...

L'affaire est destinée à échouer sur le pupitre du législateur - sans parler, peut-être, de celui de la Cour suprême - puisqu'un article du Code civil a été jugé inconstitutionnel. Il y en a pour des mois, sinon des années.

Pendant ce temps, peut-on réfléchir un peu à tout ça avant de... s'engager?