«Nous sommes partout. Nous sommes en chacun. Nous sommes Anonymous!» Cette proclamation quasi-divine est celle de Tux, un Anonyme joint par The Economist au moment où s'amorçait sur le web une guerre inusitée. Il s'agit de la version cybernétique de la guérilla pseudo-politique des casseurs de vitrines de McDo, mais dont le potentiel de destruction est mille fois plus considérable.

«Nous sommes partout. Nous sommes en chacun. Nous sommes Anonymous!» Cette proclamation quasi-divine est celle de Tux, un Anonyme joint par The Economist au moment où s'amorçait sur le web une guerre inusitée. Il s'agit de la version cybernétique de la guérilla pseudo-politique des casseurs de vitrines de McDo, mais dont le potentiel de destruction est mille fois plus considérable.

Cette armée d'«hacktivistes» anonymes a son héros: Julian Assange, monsieur WikiLeaks. Le Divulgateur. On vend déjà des T-shirts à son effigie, appelés à côtoyer ceux de Che Guevara au rayon «dissidence» de tout bon commerce au détail.

Cette armée a aussi sa doctrine, une soupe à l'ancienne servie à la moderne. L'élément nouveau est celui de la quête de la transparence absolue, une utopie-minute créée par l'affaire des câbles diplomatiques. Le reste du bouillon est instantanément reconnaissable par quiconque a observé les mille révolutions de salon du dernier demi-siècle. «C'est la guerre du peuple contre le gouvernement», résume à la BBC un autre Anonyme surnommé Coldblood. Slogan d'une mille-et-unième révolution prolétarienne? Certes. Mais également celui des milices d'extrême droite américaines...

Enfin, cette armée a ses règles d'engagement. Et c'est là qu'on sort de l'univers confortable des mots pour entrer dans celui, dangereux, de la réalité.    

George Orwell avait tort.

Ce n'est pas Big Brother qui, depuis 1984, exerce une surveillance despotique sur la société. Mais bien des millions de Little Brothers qui, armés de millions de caméras et de téléphones portables, font comparaître sur YouTube des millions d'humbles mortels.

Pareillement, la nouvelle guerre cybernétique que WikiLeaks a indirectement déclenchée n'est pas menée par une ou deux puissances étatiques. Mais bien par une armée de citoyens à qui Anonymous offre un logiciel gratuit, garanti sans risques, de vandalisme cybernétique (l'arrestation d'un Néerlandais de 16 ans, hier, a relativisé cette garantie).

Il s'agit du LOIC, le «Low Orbit Ion Cannon», un clin d'oeil à La Guerre des étoiles de George Lucas.  

Les cibles visées sont évidemment capitalistes, autant que possible américaines: Mastercard, Visa, PayPal, Amazon. La coordination est faite sur Twitter, où on ordonne en temps voulu aux dizaines de milliers de suiveux de twits équipés du LOIC: «Feu à volonté!» Une version plus sophistiquée du logiciel permettra apparemment de se passer de toute intervention humaine dans la poursuite de cette guerre...

Ce sont des choses qui, jadis, appartenaient à la science-fiction. Mais on en est bel et bien là : le réseau informatique mondial, sans lequel rien ne peut plus fonctionner, semble dorénavant à la merci des casseurs de vitrines de McDo!

Certes, le pire n'est jamais certain. Mais, connaissant la stupéfiante propension qu'ont nos sociétés à se détester elles-mêmes et à chercher à s'autodétruire, il est difficile d'être rassuré.