Tragédie après tragédie, morceau par morceau, le Pakistan se décompose, devenant littéralement un accident en attente de se produire. C'est-à-dire: un État en déliquescence; sans contrôle réel sur une partie croissante de son territoire; de plus en plus ligoté par l'extrême droite religieuse la plus meurtrière au monde; fournissant au voisin afghan les moyens de la terreur; jamais certain de la loyauté de son armée et de ses services secrets.

Tragédie après tragédie, morceau par morceau, le Pakistan se décompose, devenant littéralement un accident en attente de se produire. C'est-à-dire: un État en déliquescence; sans contrôle réel sur une partie croissante de son territoire; de plus en plus ligoté par l'extrême droite religieuse la plus meurtrière au monde; fournissant au voisin afghan les moyens de la terreur; jamais certain de la loyauté de son armée et de ses services secrets.

Enfin, un État disposant de l'arme nucléaire...

Cet engin, on l'a appelé dès le début la «bombe islamique». Et cette image est devenue particulièrement sinistre depuis qu'on a compris quelle menace globale présentent les guérillas islamistes, déclarées ou latentes. Celles qui sévissent en Afghanistan et au Pakistan, certes; mais aussi au Yémen, en Irak, en Égypte, au Maghreb, au Soudan ou en Somalie, notamment.

Ce constat semble pessimiste? Il se pourrait que la réalité du Pakistan, un des épicentres de ce phénomène mondialisé, soit plus troublante encore.

Ainsi, peut-être faut-il contempler le tableau de ce pays que dresse le journaliste pakistanais Zahid Hussain dans The Scorpion's Tail (non traduit en français). «Au Pakistan, écrit-il, un gouvernement de plus en plus impopulaire et corrompu est incapable de diriger la nation au moment le plus crucial de son histoire. (...) Le Pakistan est devenu un baril de poudre et l'éclatement du pays devient une réelle possibilité»*.

Comment, depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis en particulier ont-ils pu sous-estimer à ce point l'importance du Pakistan sur l'échiquier de la terreur? Cela demeurera pour toujours un mystère.

Après Zahid Hussain, il faut entendre aussi l'analyste américain Fareed Zakaria, qui confesse dans le Washington Post: «J'ai toujours cru que (...) l'arsenal nucléaire du Pakistan était en sécurité. Depuis la semaine dernière, je n'en suis plus si sûr...»

La semaine dernière, Salman Taseer a été assassiné.

Politicien important du pays, libéral, assez courageux pour affronter les islamistes (et pourfendre la loi sur le blasphème, qui prévoit la peine de mort), le gouverneur du Pendjab a été abattu par un garde du corps. Or, celui-ci, un fou d'Allah, est désormais considéré comme un héros, couvert de pétales de rose lorsqu'il apparaît en public! Et, dimanche dernier, la loi sur le blasphème a été célébrée par la plus importante manifestation - 50 000 personnes - à saveur intégriste de l'histoire récente du pays!

Cette image-là n'est-elle pas sinistre, elle aussi?

C'est la célébration populaire de l'extrémisme religieux meurtrier. C'est le refus d'un pays séculier qui serait animé par la raison et tourné vers un progrès dont il a le plus urgent besoin. C'est un aperçu de ce qui constitue peut-être le proche avenir du Pakistan.

Et pire encore, personne ne sait plus aujourd'hui comment stopper cette machine infernale.

* Allant au bout de l'horreur, Zahid Hussain raconte comment des madrasas «forment» les enfants de 12 à 18 ans responsables de 90% des attentats-suicide au pays... parfois vendus, prêts à exploser, contre des sommes allant de 7000$US à 14 000$US. Depuis 2007, la terreur islamiste a fait 4000 morts au Pakistan.