Le vouvoiement à l'école? Et pourquoi pas le retour de la strappe, du petit catéchisme et du char à boeufs? On se trompe vraiment d'époque. Même si 84% des gens se prononçant sur Cyberpresse approuvent l'imposition du vouvoiement à l'école, le tutoiement est dans les faits omniprésent.

Le vouvoiement à l'école? Et pourquoi pas le retour de la strappe, du petit catéchisme et du char à boeufs? On se trompe vraiment d'époque. Même si 84% des gens se prononçant sur Cyberpresse approuvent l'imposition du vouvoiement à l'école, le tutoiement est dans les faits omniprésent.

Ainsi, une enseignante est ravie d'être tutoyée par ses élèves parce que, «dans mon rapport d'intimité, de complicité, de guide, de mentor (avec) leur situation d'apprenants, je ne vois pas la nécessité d'imposer le vouvoiement». Et une petite apprenante de la classe de sixième règle le cas: «Ce n'est pas Jean Charest qui va décider!» (SRC/Première Chaîne).

Une autre réforme de l'éducation qui s'en va au diable...

* * *

Concédons-le: l'affaire porte à sourire.

L'intention exprimée par le premier ministre de ramener le vouvoiement dans les écoles est, à première vue, l'équivalent d'un diachylon posé sur une triple fracture ouverte. Et ce, non seulement parce que le système aurait besoin d'un redressement autrement plus radical. Mais aussi parce que, dans la culture contemporaine, non seulement tutoyer son prochain, mais même l'abîmer d'injures n'est pas considéré comme un signe d'irrespect!

Par exemple, des concours d'insultes, littéralement, constituent l'une des activités les plus prisées partout en Amérique du Nord, et bien sûr au Québec, dans les milieux hip-hop. Il s'agit de duels engagés devant public sur le rythme du rap, pas toujours exempts de misogynie ou d'homophobie, apparemment sans implication émotive: même après des heures de boue lancée dans toutes les directions, personne ne cherche à s'entretuer!

C'est, en somme, le bon vieux concours d'art oratoire mis au goût du jour...

Sur le web, ce paradis de tous les débordements, les échanges et commentaires rampent la plupart du temps au degré zéro de la politesse et du respect. Pour tenter d'écarter le pire, Facebook a dû mettre en place une politique d'identification obligatoire. Et la muflerie n'est pas que virtuelle. Dans la vraie vie, le moindre grain de sable dans la mécanique de la routine quotidienne devient un casus belli autorisant les parties à déclencher la mitraille des invectives et à dégainer le doigt d'honneur.

Est-ce pire aujourd'hui qu'hier? Difficile à dire. Dans un petit bouquin publié il y a 35 ans (Salaire minimum, 1 million $), l'ex-ministre Guy Joron déplorait déjà la rudesse de la vie en société et le... tutoiement régnant jusqu'à l'effronterie. Chose sûre, l'irrespect, l'impolitesse et le simple manque de courtoisie dans les rapports humains sont, aujourd'hui comme hier, difficiles à comprendre: ils ne rapportent rien à personne et gâchent la vie de tout le monde.

À sa modeste mesure, le vouvoiement a souvent le mérite de mettre une goutte d'huile dans la mécanique sociale.