La twittérature doit entrer à l'école. C'est Jean-Marc Fréchette, cofondateur de l'Institut de twittérature comparée (si, si), qui le dit. Il l'a dit au quotidien Le Devoir. Il l'a dit aux fonctionnaires du ministère de l'Éducation... dont on sait de quoi ils sont capables.

Et pourquoi pas?

En 2010, plus de 25 milliards de gazouillis (des textes de 140 caractères ou moins) ont été publiés dans le monde; il est certain que ce nombre sera encore beaucoup plus élevé en 2011. Si Twitter convoie une quantité astronomique de niaiseries, une petite partie de ce flux est certainement divertissante, parfois sommairement informative, voire indispensable en situations d'exception: printemps iranien ou arabe, par exemple.

Quant à la twittérature, elle désigne le corpus de textes rédigés par des twittérateurs dont la prose répond à des intentions et adopte des formes qui se veulent littéraires.

Tout cela est bel et bon.

Mais l'est-ce au point de décréter que les twittérateurs et leur oeuvre doivent dorénavant faire l'objet, à l'école, d'étude formelle et de travaux pratiques?

Non. Et voici pourquoi.

Un. Parce qu'il ne vaut pas le coup d'enseigner à l'école ce que l'enfant apprend déjà en fréquentant l'éducation permanente de la vie. De la même façon, le plus ardent défenseur de la culture populaire - nous en sommes - rechignera à l'idée d'enseigner la ladygagologie en classe: l'enfant est déjà plongé dans cette marmite jour et nuit, de sorte que c'est avec Beethoven et Satie, avec Hugo et Tremblay, que le système scolaire doit le mettre en contact.

Deux. Actuellement, l'école arrive à peine à apprendre aux enfants à écrire! Alors, s'il vous plaît, les premières priorités doivent être prioritaires, les boeufs devant les charrues, ne poussez pas et prenez un numéro.

Trois. Que plaide-t-on à la défense du gazouillis en tant que matière scolaire? «L'idée, c'est de ramener le plaisir dans le devoir», dit Jean-Marc Fréchette. D'autres invoquent Roland Barthes et René Char, ce dernier ayant apparemment dit du poète ce qui s'appliquerait aujourd'hui au twittérateur: sa rhétorique devient un «point diamanté actuel de présences transcendantes et d'orages pèlerins»... ce que nous ne nierons certes pas. (En passant, lorsque quelqu'un se met à citer Barthes ou Char, lâchez tout et courez aux abris!)

Bref, argument du plaisir comme outil pédagogique et imprimatur de grands esprits peu clairs: cela rappelle de fâcheux souvenirs de réformes planantes et d'expérimentations ésotériques jetées sur de pauvres cobayes ignorants menacés de le rester...

Les gadgets sont amusants. Mais ils naissent et meurent à un rythme toujours plus effréné. Ils ne sont pas faits pour l'école qui est le lieu, non de l'éphémère, mais de la durée.

mroy@lapresse.ca