Au milieu de juillet 1985, le panthéon du rock se mobilisait autour de l'événement «Live Aid», monté par Bob Geldof. Et cet aréopage de célébrités dénonçait la faim en Afrique, particulièrement en Éthiopie, en s'adressant à 1,6 milliard de téléspectateurs dans le monde.

Au milieu de juillet 1985, le panthéon du rock se mobilisait autour de l'événement «Live Aid», monté par Bob Geldof. Et cet aréopage de célébrités dénonçait la faim en Afrique, particulièrement en Éthiopie, en s'adressant à 1,6 milliard de téléspectateurs dans le monde.

Ce fut grand. Ce fut beau. Et ce fut éphémère.

Vingt-six ans plus tard, la planète est passée à autre chose, en effet. L'est du continent africain (Éthiopie, Somalie, Djibouti, Kenya) est toujours menacé de famine à grande échelle. Et, dans la nouvelle réalité géopolitique des deux Soudan, s'ajoute une catastrophe en devenir: déjà, un million de Sud-Soudanais dépendent de l'aide alimentaire internationale.

Bref, cette région demeure l'une des plus misérables de la planète, en outre condamnée à être ignorée même des plus célèbres militants tiers-mondistes d'aujourd'hui.   

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Certes, la sécheresse est à blâmer pour l'état d'urgence qui sévit là-bas et fait en sorte que 10 millions de personnes ont aujourd'hui un besoin urgent de nourriture, d'eau et de médicaments.

Mais comment ne pas voir aussi que toute cette région est aux prises depuis des décennies avec des conflits multiples et à géométrie variable dont les victimes se comptent par millions et qui anéantissent le moindre espoir de progrès?

Dans ce qui est depuis quatre jours le Sud-Soudan, la population animiste et chrétienne doit maintenant partager avec les musulmans du Nord la manne pétrolière... alors que deux grandes guerres civiles les ont opposés depuis 1955, faisant deux millions de morts (sans parler des massacres au Darfour, qui en ont fait 300 000 de plus). Le chef d'État du Soudan, Omar el-Béchir, est d'ailleurs sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité.

En Somalie, la guerre civile ininterrompue depuis 1991 a fait 300 000 morts - une des récentes initiatives du pouvoir islamiste de Mogadiscio ayant été de chasser les travailleurs humanitaires du pays! Toute cette indigence a jeté sur les routes des centaines de milliers de Somaliens affamés et épuisés (parfois dévorés par des hyènes, raconte la BBC avec effroi) dont beaucoup se retrouvent au Kenya, dans des camps comme celui de Dadaab, qui est presque un mouroir.

Tout cela survient alors qu'un état du monde dressé en avril dernier par la Banque mondiale constate que la violence est le déterminant principal de la pauvreté. «Un habitant de la planète sur quatre, soit plus de 1,5 milliard, vit dans des États fragiles (aux prises avec la guerre ou la grande violence). Les enfants (y) sont deux fois plus affectés par la malnutrition», précise l'institution.

Or, il s'agit probablement du constat le plus déprimant sur le problème de la pauvreté extrême, puisque désamorcer ces conflits est souvent une mission impossible. La Banque mondiale elle-même remarque que «90% des guerres civiles de la première décennie du XXIe siècle se sont produites dans des pays qui avaient déjà connu un conflit au cours des 30 années précédentes»...

Dans l'immédiat, il faut - encore une fois - travailler à éviter l'hécatombe dans l'est de l'Afrique. En essayant de ne pas totalement désespérer devant ce qui semble être un indestructible cercle vicieux.