Monique Jérôme-Forget a été l'une des personnalités les plus acclamées, mercredi soir, lors de l'inauguration de la Maison symphonique. C'est «votre» maison, a lancé le premier ministre Jean Charest à l'intention de l'ancienne ministre des Finances, marraine de facto du projet, qui a ouvert sa célèbre sacoche aux bâtisseurs de ce monument culturel.

Monument? Oui, monument. Malgré les réserves émises sur son architecture.

Se rend-on compte à quel point il est extraordinaire que, pour commencer, cette salle ait accédé à l'existence? Et ce, après des décennies de PPP (petite politique politicienne) et de premières pelletées de terre jamais suivies d'une deuxième... dans une ville où il est devenu à peu près impossible de faire quoi que ce soit? Faut-il rappeler que l'un des plus récents édifices publics à avoir surgi de terre est la monstrueuse ruine flambant neuve de l'îlot Voyageur?

Aussi est-il douteux que le contribuable moyen - aussi appelé: cochon de payant - se dise spontanément: enfer et damnation, la nouvelle salle n'est pas la splendeur architecturale que quelques malheureuses dizaines de millions de dollars de plus auraient pu édifier! D'ailleurs, la Maison symphonique est-elle vraiment moins réussie que, par exemple, la Grande Bibliothèque - les lamelles de verre tombantes en moins?

En fait, on soupçonne que certains, plus amateurs d'idéologie que de musique, ne pardonneront jamais à la Maison symphonique d'avoir été construite en partenariat public-privé, cette hydre à deux têtes dévoreuse de modèle québécois.

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Ce dont il faut au contraire se féliciter tient précisément au fait qu'on n'a pas perdu de vue l'objectif du projet: construire un lieu consacré à la musique. La beauté même de l'amphithéâtre, ce splendide vaisseau, est le produit de sa conception acoustique. C'est visible, autant dans les proportions de la salle que dans le bois dont elle tapissée.

L'essentiel, maintenant.

Au concert de mercredi, chacun a bien mesuré la distance séparant le son de l'«ancien» orchestre, celui de la salle Wilfrid-Pelletier, du son de l'OSM «nouveau». Entre les deux, il y a un univers perceptible à la première note (et davantage encore dans le déchaînement sonore de la Neuvième de Beethoven!), même par ceux qui ne sont ni mélomanes de carrière ni acousticiens patentés.

À ce point de vue, Montréal vient de changer de ligue, carrément.

La salle comptera-t-elle, après mise au point fine, parmi les deux ou trois meilleures au monde? Ce n'est pas si important. Le prochain chantier consistera plutôt à élargir le public de l'orchestre, statistiquement trop riche, trop instruit, trop âgé. Le nouveau son de l'OSM est certainement un argument de plus à faire valoir auprès de ceux que la musique en général ne laisse pas indifférents.

Et ça, ça fait beaucoup de monde.