Il ne s'agit pas d'un crime. Mais c'est certainement une faute de goût que de comparer, comme on le fait beaucoup, le mouvement dit des «indignés» au printemps arabe.

De comparer une marche sur Washington ou Montréal à des soulèvements à Tunis ou au Caire. De comparer l'occupation d'un parc de New York ou Toronto à des affrontements à Damas ou Tripoli.

On risque ici le rhume et trois jours au lit. On risque là-bas la mort, tout simplement...

Aussi, un peu d'humilité commanderait aux «occupants de Wall Street», où qu'ils soient dans le monde et quelle que soit la justesse relative de leur cause, de chercher une autre comparaison. Et il ne serait pas fâcheux non plus que les médias retrouvent un certain sens des proportions.

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Rien n'est réglé, en effet, en Tunisie ni en Égypte - ne parlons même pas de la Libye ou de la Syrie - même si tout cela semble avoir sombré dans l'oubli.

Dans le premier cas, les Tunisiens se dirigent plutôt correctement vers un scrutin, prévu pour dimanche, qui doit élire une assemblée constituante chargée de refaçonner les institutions et les lois fondamentales. Cela se passe dans une société sophistiquée, plutôt à l'aise avec la laïcité et ouverte sur le monde. L'avenir est plus incertain en Égypte. L'armée s'accroche au pouvoir et perpétue l'état d'urgence, l'application de la justice militaire et l'incertitude quant à la date de l'élection présidentielle.

Dans les deux cas, la grande inconnue concerne la place qu'occuperont les islamistes dans les lieux de pouvoir.

En Tunisie, les candidats du parti islamiste Ennahda récolteraient, ce dimanche, entre 20 et 30% des voix. Réputés modérés, on ne connaît cependant pas leurs liens réels avec les salafistes, les purs et durs. Au cours des derniers mois, des femmes non voilées ont été harcelées, des diffuseurs (cinéma et télévision) intimidés, des milices de la «vertu» se sont manifestées.

La situation est cependant bien pire en Égypte, berceau des Frères musulmans.

Depuis neuf mois, des affrontements y ont causé la mort de dizaines de chrétiens coptes, enclenchant un véritable exode (100 000 ont déjà fui). Il s'agit de la dernière population chrétienne importante du monde arabe. Jadis protégée par le régime Moubarak, elle est aujourd'hui abandonnée aux islamistes qui accusent ces «infidèles» d'être des espions à la solde de l'Occident. Et, face à cela, le rôle de l'armée n'est pas clair...

Contemplant ainsi l'échelle des luttes pour la dignité, il est évident que, pour l'instant, ces sociétés du monde arabe sont celles qui, les premières, ont besoin d'attention, de respect, d'appui.

Voire d'indignation, au besoin.