Les dernières données relatives aux coûts du décrochage scolaire sont éloquentes. Une étude du Conseil canadien sur l'apprentissage dévoilée la semaine dernière montre en effet que ce phénomène a des répercussions très larges qui touchent l'ensemble de la société.

Les décrocheurs coûtent environ 37 milliards de dollars par année aux gouvernements. Non seulement ont-ils de la difficulté à se trouver un emploi satisfaisant et bien rémunéré mais en outre, ils ont de plus grandes chances de vivre dans la pauvreté (et donc de bénéficier de l'aide sociale) et d'éprouver des ennuis de santé.

 

Ces chiffres font écho à ceux de l'économiste Pierre Fortin, qui évalue à environ 500 000$ la facture pour chaque personne qui ne termine pas ses études secondaires.

L'an dernier, autour de 30% des jeunes quittaient l'école secondaire avant d'avoir obtenu un diplôme. C'est énorme.

On connaît les origines, nombreuses et diverses, du décrochage. Dans bien des cas, elles sont liées aux difficultés d'apprentissage. Pour certains, l'école est un combat, une véritable souffrance. Décrocher, du point de vue de ces jeunes, n'est pas un drame, mais une délivrance. Pour d'autres, les raisons du décrochage sont liées au milieu dans lequel ils ont grandi: la pauvreté, la faible scolarité des parents, l'absence de buts et de motivation, la recherche rapide de l'indépendance financière. Ces jeunes ne voient tout simplement pas l'utilité d'aller à l'école longtemps.

Au fil des recherches sur le terrain, on a donc compris que le problème du décrochage scolaire dépassait largement les murs de l'école. On y revient toujours: il faut un village pour élever un enfant. L'école seule n'y arrivera pas.

Au Québec, où le taux de décrochage des garçons est encore plus élevé, nous connaissons de beaux taux de réussite chez les raccrocheurs, qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires entre l'âge de 20 et 30 ans. Le défi: faire en sorte que les étudiants ne perdent pas de précieuses années avant de décrocher le fameux diplôme.

La plupart des spécialistes du décrochage s'entendent pour dire qu'il faut une mobilisation de la communauté pour aider les jeunes à réussir. L'école mais aussi les parents, la municipalité, l'entreprise. Un exemple: au Saguenay-Lac-Saint-Jean, où on a fait de la lutte au décrochage une priorité, des entreprises se sont engagées à limiter le nombre d'heures de travail des jeunes afin de les encourager à réussir à l'école. C'est le genre de programme qui donne des résultats. Il y en a d'autres.

On attend beaucoup du plan de lutte contre le décrochage du comité Ménard (dirigé par le président de BMO Groupe financier, Jacques Ménard), qui doit être dévoilé sous peu. Il devrait s'inspirer de ce type d'approche. On revient encore à l'idée du village.

À l'époque de nos arrière-grands-parents, lorsque l'église du patelin brûlait, on organisait une corvée pour la reconstruire ou la repeindre. Les villageois étaient prêts à mettre l'épaule à la roue pour sauvegarder ce bien collectif. L'éducation aussi est un bien collectif. On a tendance à l'oublier.

nathalie.collard@lapresse.ca