Les gouvernements du Canada et du Québec viennent de conclure une entente sur l'exploitation des ressources pétrolières et gazières dans le golfe du Saint-Laurent. S'il le souhaite, le Québec pourra donc permettre, comme le fait Terre-Neuve, l'exploitation de l'important gisement d'Old Harry, au large des Îles-de-la Madeleine. À votre avis, le gouvernement du Québec devrait-il encourager l'exploitation de ce gisement ou devrait-il l'interdire pour préserver l'environnement du golfe?

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Pierre-Olivier Pineau

Professeur agrégé à HEC Montréal, spécialiste des questions énergétiques.

OUI, À DEUX CONDITIONS

La première question en est une de gestion des risques environnementaux. Ce sont les experts en biologie maritime et en technologie de production en milieu marin qui peuvent y répondre. S'il était possible de conclure qu'une exploitation responsable de ce gisement est possible, alors les standards de sécurité - et la capacité à les faire respecter - devraient être extrêmement élevés. Par ailleurs, au-delà de la question de gestion de risque de production, nous devons aussi nous assurer de faire le meilleur usage des ressources pétrolières de notre planète. Il serait irresponsable de produire ce pétrole uniquement pour permettre à plus d'individus de se promener dans leurs véhicules individuels énergivores à faible prix - comme c'est essentiellement le cas aujourd'hui. Notre consommation de pétrole est en majorité destinée aux VUS et aux voitures qui, trop souvent, restent bloqués dans des embouteillages. Un changement radical dans notre gestion des transports est essentiel pour rendre légitime la production de pétrole. Sinon, on ne produirait que pour encourager les mauvaises habitudes de notre société moderne. Oui à une production dans le golf du Saint-Laurent, mais uniquement à deux conditions: une confiance totale dans l'exploitation et une réforme en profondeur de notre consommation en transport.

Françoise Bertrand

Présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

UNE RESSOURCE À EXPLOITER

À mon avis, il est clair que le Québec n'a qu'un seul choix: celui d'exploiter les ressources du gisement Old Harry. L'enjeu économique est primordial, car il amène d'énormes retombées, l'indépendance énergétique et des redevances substantielles.  Compte tenu de la situation des finances publiques, profiter de cette richesse apparaît incontournable. Si nous restons les bras croisés, nos voisins, eux, ne se priveront pas. Ainsi, nous serons des spectateurs envieux de leur enrichissement collectif. Le gouvernement doit avoir l'audace d'encadrer et de veiller à l'exploitation de ce gisement. Comment l'exploiter? Voilà à quoi sert l'Étude environnementale stratégique (ÉES) actuelle. L'exploitation doit se faire avec un risque minimal sur l'environnement. Les régions du golfe bénéficieront d'un important apport financier, mais qui ne doit pas se faire au détriment de la pêche ou du tourisme. J'ai bon espoir cependant que cet équilibre est atteignable. Dois-je par contre rappeler que consensus n'est pas synonyme d'unanimité? Il faut voir l'exploitation des ressources naturelles selon ses avantages indéniables et les conclusions de l'ÉES permettront de réduire au minimum ses impacts. Une exploitation responsable bénéficiera à tous les Québécois.

Karel Mayrand

Directeur général de la Fondation David Suzuki (Québec).

TRAVAILLEURS ET MILIEU MARIN À PROTÉGER

Nous croyons que le Québec et Terre-Neuve ne devraient pas permettre d'exploration ou d'exploitation d'hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent avant d'avoir complété des analyses environnementales approfondies et établi un cadre de gestion intégrée de l'ensemble des ressources du golfe. Celui-ci est une mer semi-fermée six fois et demie plus petite que le golfe du Mexique. Il est un milieu de vie pour plus de 2000 espèces et pour des centaines de milliers de personnes qui dépendent de ses richesses pour leur gagne-pain dans les secteurs des pêcheries et du tourisme. Des réformes institutionnelles majeures doivent également être réalisées avant d'autoriser des activités pétrolières dans le golfe. Rappelons que des commissions indépendantes au Canada et aux États-Unis, dont la commission Wells à Terre-Neuve et la National Commission on the BP Deepwater Horizon Oil Spill and Offshore Drilling aux États-Unis, ont conclu que le fait de confier à une seule agence le mandat de faciliter et encadrer l'exploitation tout en s'occupant de sécurité et d'environnement conduit inévitablement à des conflits où la sécurité sort perdante. Ces réformes sont toujours attendues au Canada où les conditions qui ont mené à la catastrophe du golfe du Mexique persistent.

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée.

LA PRUDENCE QUI REND PAUVRE

Les écolos nous serviront le «principe de précaution» pour bannir une telle exploitation qui autrement créerait une énorme richesse pour le Québec. Cette exploitation, diront-ils, constitue un risque incertain dont on sait qu'il existe, que l'on ne peut quantifier, mais qui est susceptible d'occasionner des dommages «irréversibles et graves à grande échelle» pour les générations futures. En fait, lorsque certains événements supposés désagréables risquent de se produire, mais sans que les savants puissent nous dire avec quelles chances, les adeptes du prétendu «principe de précaution» nous invitent à traiter ces événements comme s'ils étaient certains. Mais en refusant d'aller de l'avant par prudence, les partisans du «principe de précaution» refusent aussi le potentiel positif des découvertes, qui est généralement globalement un gain pour la société. Les hommes, peu après leur création, ont découvert le feu. Le principe de précaution aurait pu les conduire à le mettre hors la loi au lieu de le gérer comme ils sont parvenus à le faire. Au surplus, générant la pauvreté, le fallacieux principe réduit les efforts de tous pour prendre les mesures permettant précisément de gérer les divers dangers éventuels. Mourir riche en gérant le risque ou pauvre sans risque?

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc., ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec.

UN RISQUE MINIMUM

Je suis toujours un peu surpris par les choix de société que le Québec doit faire. En principe, un choix de société implique des dépenses mais aussi des revenus. Le tout doit s'équilibrer. Le problème au Québec vient du fait que tout le monde se range très facilement du côté des dépenses mais sont beaucoup plus réticents lorsque vient le temps de payer. On aime bien les garderies a 7$ mais on ne veut pas en payer le déficit. On aime bien l'assurance médicaments mais on ne veut pas en absorber le déficit. J'en viens alors à l'exploitation de l'important gisement de Old Harry au large des Iles-de-la Madeleine. On va fort probablement assister à une levée de boucliers de la part des écologistes contre ce projet. Et ceux qui critiqueront le plus seront sûrement ceux qui réclament toujours plus de services du gouvernement. A mon avis, le gouvernement du Québec devrait encourager l'exploitation de ce gisement qui pourrait lui rapporter jusqu'à un milliard par année en redevances. On ne parle pas ici de gaz de schiste, mais d'un produit qui présente un risque minimum pour l'environnement du golfe.