L'effondrement du Bloc québécois aux élections fédérales et le départ de son chef Gilles Duceppe signifient-ils la fin du parti souverainiste à Ottawa?

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Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec.

C'EST LA FIN

Le message des Québécois, fédéralistes comme souverainistes, lors des élections du 2 mai, est relativement simple: la vraie partie pour l'indépendance du Québec se joue sur une patinoire à Québec et non sur une patinoire à Ottawa. En fait, le Bloc québécois a outrepassé sa raison d'être depuis plusieurs élections déjà. Son existence même tenait d'un vote de protestation à la suite de l'échec de l'accord du lac Meech. Le Bloc a depuis étiré la sauce au point où elle ne goûtait plus rien. Plusieurs, dont je suis, résumait leur présence à Ottawa au salaire de 150 000 $ ainsi qu'au fonds de pension exceptionnel qui vient après quelques années en poste. L'effondrement du Bloc québécois ainsi que le départ de Gilles Duceppe signifie définitivement la fin d'un parti souverainiste à Ottawa, à moins qu'un nouvel évènement semblable à l'échec de l'accord du lac Meech ne vienne brouiller les cartes. Mais admettons qu'un tel scénario est loin d'être prévisible, même à long terme.

Éric Bédard

Historien à la Télé-Université du Québec.

UNE BASE SOLIDE

Les résultats montrent qu'il y a eu deux campagnes durant cette élection, l'une au Canada anglais, l'autre au Québec. La vague néo-démocrate au Québec risque cependant de susciter de faux espoirs dans le reste du Canada. Si de nombreux Québécois se sont montrés insatisfaits du travail du Bloc, ils n'ont pas décidé pour autant de mettre de côté la question nationale. Ils ont simplement recours à une nouvelle stratégie pour contrer un gouvernement conservateur qui, dans les faits, n'a pas respecté son engagement de développer un véritable « fédéralisme d'ouverture ». Hier soir, les francophones du Québec ont décidé de donner un nouveau sens à l'expression « valeurs québécoises ». Reste à voir si celles-ci pourront être vraiment respectées dans le cadre fédéral actuel. Avec ses 23,4% du suffrage, le Bloc continue d'avoir une base électorale solide. Ajoutons que beaucoup de souverainistes ont voté NPD. Que les forces fédéralistes ne sabrent pas le champagne trop rapidement, le peuple québécois a du ressort.

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé et chargé de cours à HEC Montréal.

LE RESPIRATEUR ARTIFICIEL

Le Bloc québécois est maintenant branché à un respirateur artificiel. Stephen Harper se fera un malin plaisir de couper l'alimentation de ce dernier, c'est-à-dire de proposer l'abolition du financement des partis politiques par l'État. Si un tel scénario devait survenir, ce serait la mort du Bloc québécois et l'affaiblissement du Parti libéral du Canada. Ce dénouement rendrait le système parlementaire canadien davantage antidémocratique et ouvrirait la porte à l'achat d'une élection, mais c'est un scénario possible. Qui plus est, Pierre Paquette, le dauphin de Gilles Duceppe, a été mis de côté dans son bastion de Joliette, de même que Bernard Bigras dans Rosemont-La Petite-Patrie. Conclusion: le roi est mort, vive personne! Toutefois, au Québec, c'est une bonne et une mauvaise nouvelle pour Pauline Marois. La bonne, c'est qu'elle a une série de candidats vedettes disponibles pour la prochaine élection provinciale. Évidemment, passer du BQ au PQ, c'est changer drastiquement de salaire  157 731 $ à 85 388 $. La mauvaise nouvelle pour le PQ, c'est qu'il ne pourra plus compter sur les ressources du Bloc québécois lors de la prochaine campagne électorale provinciale. L'aversion au Parti libéral du Québec fera en sorte qu'un tiers parti pourrait se voir attribuer une part importante des votes. La recette gagnante au Québec : du rêve, un sourire et une moustache.

Mélanie Dugré

Avocate.

LE CALME AVANT LA TEMPÊTE

Le Bloc québécois a fait lundi soir les frais du profond désir de changement qui anime les Québécois. Je ne crois toutefois pas que l'on doive voir une équation entre la déconfiture du Bloc et une envie de chasser tout parti souverainiste d'Ottawa. Il s'agit plutôt d'un fort cri pour autre chose. Malheureusement, cette autre chose frôle le n'importe quoi en certains endroits quand on pense à une candidate élue qui n'a pas fait campagne et qui n'a jamais, ou si rarement, mis les pieds dans sa circonscription. Ce résultat, consternant à bien des égards, démontre toute l'ampleur de l'écoeurement de la population. «Ça ne sera peut-être pas mieux, mais ça ne pourra être pire», ont semblé se dire les électeurs dans l'isoloir. Les partis fédéralistes ne devraient cependant pas chanter victoire trop vite ni sabrer le champagne. S'il s'est momentanément dissipé, le nuage souverainiste gronde encore et  le résultat d'hier pourrait bien être le coup de vent dont il avait besoin pour causer un orage sans précédent. En effet, le NPD n'est sans doute pas prêt pour la tâche que vient de lui confier le Québec  et avec de surcroît un gouvernement majoritaire conservateur, dont les valeurs s'éloignent de ceux des Québécois, la tempête se prépare...

Mélanie Dugré

Jean-Claude Hébert

Avocat.

L'AVENTURE EST TERMINÉE

Il n'y a que les esprits chagrins qui refusent de prendre acte de l'évolution de la pensée politique québécoise. C'est également une affaire de génération. Les après-«baby-boomers» ont compris la futilité et la stérilité du Bloc québécois dont le fonds de commerce était essentiellement la rhétorique. En constituant une opposition forte à l'intérieur d'un parti national, les Québécois ont compris que, dans quatre ans, ils seront biens placés pour occuper une place stratégique au gouvernement fédéral, auquel cas les véritables intérêts québécois seront mieux servis. Bref, nous avons assisté à la fin d'un blocage inutile qui a duré 20 ans. Comme formation politique au niveau fédéral, l'aventure «temporaire» du Bloc est bel et bien terminée.

Guy Ferland

Enseignant en philosophie au collège Lionel-Groulx.

UN VOTE EN BLOC POUR LE CHANGEMENT

Oui, c'est la fin du Bloc, ce parti bâti sur une contradiction pour préparer l'indépendance du Québec au parlement canadien. Le Bloc avait une raison d'être à sa naissance, lorsque l'indépendance pointait à l'horizon. Mais plus maintenant que le PQ lui-même a mis en veilleuse son option souverainiste. La population québécoise n'a plus besoin d'un parti d'opposition à Ottawa qui ne peut prétendre un jour accéder au pouvoir à Ottawa. Les forces souverainistes vont se concentrer au Québec désormais. Gilles Duceppe sera plus utile au mouvement indépendantiste sur la scène provinciale. Tout devient possible, disait-il pendant la campagne. Il ne croyait pas annoncer la fin de son règne dans la capitale fédérale et la chute de son parti comme défenseur unique des intérêts des Québécois à Ottawa. Maintenant que les Québécois ont voté en bloc pour le NPD, reste à savoir comment le parti de Jack Layton va défendre les intérêts des Québécois et surtout comment le ROC va négocier avec cette nouvelle tentative de réconciliation des Québécois. «Le Bloc est mort, vive le NPD!», semble dire la nation québécoise. Serait-ce une nouvelle forme du beau risque de René Lévesque?

Jana Havrankova

Endocrinologue.

L'AVENIR DU BLOC EST AU QUÉBEC

Même les maisons de sondage patentées se sont trompées en prédisant encore la semaine dernière entre 27 et 45 sièges au Bloc alors que celui-ci n'en a récolté que quatre. Ainsi décomplexée, je me permets d'y aller avec mes propres prédictions quant à l'avenir du Bloc. Il disparaîtra de la scène fédérale et retournera là où son influence sur la souveraineté du Québec compte vraiment : dans la Belle Province. Gilles Duceppe remplacera rapidement Pauline Marois et mettra toute son éloquence et son intelligence au service du Québec. Il parlera franchement de l'indépendance comme outil de développement social. Le PQ sera élu aux prochaines élections. Le gouvernement majoritaire conservateur, encore plus intransigeant que par le passé, s'opposera aux demandes même justifiées de l'Assemblée nationale. Même les fédéralistes québécois, d'allégeance NPD ou libérale, même les anglophones et les allophones, constateront que les politiques du gouvernement Harper ne correspondent pas à leurs priorités. Ils se rallieront aux visées sociales-démocrates du PQ, qui, ayant ainsi élargi sa clientèle, fera l'indépendance du Québec grâce à un référendum où le OUI gagnera à plus de 70%. Certains Canadiens progressistes des autres provinces, déçus du gouvernement Harper, demanderont l'asile dans la nouvelle république...

Marc Simard

L'auteur est professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau à Québec.

LE BLOC DEVRAIT SE SABORDER

Fondé au lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech, le Bloc québécois devait ne vivre que le temps de quelques élections, jusqu'au grand soir souverainiste. Malgré l'échec de l'option indépendantiste lors du référendum de 1995, le Bloc s'est incrusté au Parlement fédéral à la faveur de scores électoraux favorables. Mais il était écrit dans le ciel que l'électorat finirait par se lasser de ce parti régional, ancré dans son rejet du fédéralisme et dans une soi-disant défense des intérêts du Québec qui leurrait de moins en moins d'électeurs. La percée du NPD dans les sondages a forcé le chef bloquiste à revoir son plan de campagne, qui est passé de la défense des valeurs québécoises à la promotion du discours souverainiste. Son message a été reçu 10 sur 10 : les souverainistes mous de tendance sociale-démocrate ont déserté sa formation sous l'effet de la fièvre orange et sa base électorale s'est rétrécie au dernier carré des indépendantistes purs et durs (autour de 20%). Ce 2 mai, le Bloc a perdu son statut de parti officiel, avec les privilèges parlementaires qui s'y rattachent, et beaucoup d'argent, en dons comme en subventions. Ses quatre survivants risquent de remettre en question le sens même de leur présence à Ottawa, surtout avec le départ de leur chef qui dirigeait son parti comme une cellule marxiste-léniniste. Toutefois, il n'est pas dit que le Bloc ne survivra pas à ce désastre. Ne serait-ce que parce que le tsunami orange qui a déferlé sur le Québec ne se reproduira pas en 2015. Et parce que la flamme souverainiste ne s'éteindra pas. Il serait néanmoins avisé pour le Bloc de prendre acte de ce désaveu et de se saborder.

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.

LA MORT SUBITE

Le Bloc québécois est né dans la foulée des infructueux accords du lac Meech. Son but était de promouvoir la souveraineté du Québec et, après un référendum gagnant, d'aider à sa réalisation. Sa vie, espérait-on, serait brève. Les Québécois en ont décidé autrement, et leur indécision sur la question nationale a placé le Bloc dans une position de plus en plus inconfortable. Plutôt que lui imposer une agonie plus ou moins longue, les Québécois l'ont gratifié d'une mort subite. Le mieux est d'en prendre acte et de tourner la page. Car un nouveau chapitre commence. Un chapitre où il n'y aura plus personne à Ottawa pour «parler Québec», comme pouvait le faire le Bloc. Les députés québécois du NPD, comme ceux des autres partis fédéralistes, devront insérer leur discours dans le cadre de politiques nationales canadiennes. Comme toute opposition officielle, le NPD cherchera désormais à former le gouvernement. Pour cela, il devra faire des gains électoraux en dehors du Québec où il a déjà fait le plein des voix. Il devra «parler Canada»: comment ses députés du Québec, majoritaires au caucus, réagiront-ils? Et les Québécois, qui entendront de moins en moins prononcer le nom du Québec au parlement fédéral et n'auront plus personne pour y faire valoir les positions de l'Assemblée nationale, se sentiront-ils trahis? Histoire à suivre...

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec.

LONGUE TRAVERSÉE DU DÉSERT

Ce week-end, Gilles Duceppe déclarait que, déconfiture ou pas, le Bloc québécois demeurerait à Ottawa pour faire la promotion de la souveraineté du Québec. Trois jours plus tard, alors que son parti est pratiquement rayé du paysage politique et que lui-même s'est fait battre dans son comté, il annonce sa démission. C'est la politique! Hier soir, le Bloc a perdu son statut de parti officiel à la Chambre des communes. Pour les quatre prochaines années, il devra se contenter de quatre députés élus, de peu de ressources financières et d'une visibilité en Chambre se limitant à une question aux deux semaines, et encore. Le Bloc n'est pas mort, mais aujourd'hui s'amorce une longue et difficile traversée du désert pour ce parti souverainiste. Alors qu'il proposait aux Québécois de garder vivant le débat constitutionnel sur la scène fédérale, ces derniers ont préféré un réalignement politique sur les questions gauche-droite. L'élection d'hier signifie donc la porte de sortie pour nombre de politiciens professionnels du Bloc. Ils seront remplacés par des néophytes du NPD qui auront quatre ans pour se révéler et, dans certains cas, pour mettre les pieds dans le comté où ils se sont fait élire. Hier, une forte majorité de Québécois ont peut-être tourné le dos au débat constitutionnel, mais ils ont aussi envoyé le message qu'il ne faut jamais tenir leurs votes pour acquis.

Raymond Gravel

Prêtre et ex-député bloquiste de Repentigny.

UNE NATION DISTINCTE

Quand on regarde les résultats des élections, on est en droit de se demander si les Québécois sont assez matures pour voter. Sir Wilfrid Laurier avait raison de dire que les Québécois n'ont pas d'opinions; ils n'ont que des sentiments. Comment se fait-il qu'on ait voté pour des candidats NPD qui sont unilingues anglophones, qui ne connaissent rien de la réalité québécoise et qui n'étaient que des «poteaux»? Je suis convaincu qu'en se réveillant ce matin, la plupart se sont dit: nous sommes allés trop loin! On a remplacé des politiciens aguerris comme Gilles Duceppe, Pierre Paquette, Christiane Gagnon, Mario Laframboise, Michel Guimond et combien d'autres, par des gens qui ne connaissent nullement la politique et qui n'étaient là que pour représenter le Nouveau Parti démocratique. À ce chapitre, nous les Québécois, nous sommes vraiment distincts du reste du Canada. La vague NPD n'a touché que le Québec; ailleurs, on a voté modérément pour ce parti. Mais ici au Québec, on ne fait rien à moitié: 58 députés sur 104 obtenus par Jack Layton. Comme les Québécois ont voté sur un coup de tête ou plutôt un coup de coeur, ça ne dit absolument rien sur la pertinence du Bloc québécois à Ottawa. Je peux comprendre que Gilles Duceppe ait démissionné; j'en aurais fait autant. Mais le Bloc québécois doit continuer la lutte jusqu'à ce que la souveraineté soit proclamée.