Une intervention policière en plein centre-ville de Montréal a fait deux morts, dont un cycliste qui ne faisait que passer. L'homme de 36 ans a été atteint par une balle perdue alors que les policiers ont fait feu à plusieurs reprises en direction d'un déséquilibré qui les menaçait d'un couteau. Selon vous, les policiers ont-ils tendance à se servir trop rapidement de leur arme? Avez-vous confiance en la Sûreté du Québec pour mener l'enquête dans ce dossier?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Bernard Bernier

Directeur du département d'anthropologie de l'Université de Montréal

POUR UN ORGANISME INDÉPENDANT DÉDIÉ AUX ENQUÊTES IMPLIQUANT DES POLICIERS

Il y a sûrement des cas où les policiers tirent trop facilement ou trop rapidement. Je pense au jeune Villanueva et au cycliste hier.  Heureusement, il n'y pas un grand nombre de ces cas à Montréal, bien que ce genre d'incident pourrait et devrait être évité. À mon avis, un organisme indépendant de la police devrait s'occuper de l'enquête dans ces cas impliquant des policiers.

Mélanie Dugré

Avocate

TROUBLANT

Impossible de rester insensible au drame qui s'est joué hier sur la rue Saint-Denis. La réaction instinctive en est une de surprise, de choc et d'incompréhension. On pense à un être cher qui emprunte ce chemin quotidiennement et notre coeur se serre à l'idée que la balle perdue aurait pu lui faucher la vie. Néanmoins, je crois qu'il faut aller au-delà du réflexe initial purement émotif et analyser cette tragédie avec calme et sang froid. Évidemment, les bons coups des policiers sont souvent passés sous silence alors que les interventions qui tournent mal, notamment les affaires Parasiris et Villanueva, font grand bruit dans l'actualité. Normal, dira-t-on, la police existe pour protéger les citoyens, pas pour les blesser ou les tuer. Je persiste à croire que nos policiers sont bien formés et généralement compétents, mais ils ne sont malheureusement pas à l'abri d'écart de conduite et d'erreur de jugement. Un constat, toutefois, demeure: le fait que la police enquête sur la police est hautement «questionnable» et il est difficile de ne pas y entrevoir une apparence de partialité et une certaine subjectivité. Je suis d'avis qu'il y aurait lieu de revoir le véhicule procédural destiné à faire la lumière sur ce type d'événements. Les conclusions seraient peut-être plus tranchées, mais les leçons à tirer seraient sans doute plus profitables, à long terme.

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique

UNE OPÉRATION DE ROUTINE QUI A MAL TOURNÉ, DIT-ON

Un commentateur a dépeint l'événement comme une opération de routine ayant mal tournée. Ainsi, il est routinier pour les policiers de tirer sur un sans-abri au centre-ville de Montréal, en pleine heure de pointe. Nos policiers, qui ont le monopole du port d'arme, ont perdu le sens des réalités. Ce ne sont pas tant les armes à feu qui sont en cause, mais l'irresponsabilité de ces salariés de l'État qui ont fait usage de leurs armes sans discernement. La raison de ces nombreux débordements policiers tient surtout de leur impunité. Si le sans-abri avait survécu, il serait en prison. Un simple citoyen qui aurait menacé un policier d'une arme à feu serait en prison. Celui qui aurait tué quelqu'un pour exercer son droit de légitime défense aurait été immédiatement arrêté. Mais ceux qui sont aujourd'hui responsables de la mort de ces deux hommes sont toujours en liberté. Ils risquent une réprimande, une note à leur dossier, une suspension, au pire un congédiement. Bien sûr, il y aura enquête au sein de la confrérie. Mais la famille, c'est la famille! En principe, notre société est censée reposer sur la responsabilité de tout un chacun, y compris celle des policiers. Est-ce vraiment le cas? Et pourquoi les policiers sont-ils toujours plus lourdement armés alors que les simples citoyens sont de plus en plus ouvertement désarmés? Je retiens de ce drame qu'il sera dorénavant plus sage de se méfier des policiers que d'un sans-abri souffrant de troubles mentaux éventrant des sacs de poubelles.





Véronique Fortin

Avocate et étudiante au doctorat en criminologie, droit et société à l'Université de Californie (Irvine)

REPENSONS LE RÔLE DE LA POLICE MUNICIPALE

Le travail des policiers est, entre autres, de résister aux situations stressantes et non de faire feu en cédant à la panique. Les faits de l'affaire sont encore nébuleux, mais je ne peux imaginer qu'aucune autre méthode d'intervention n'était envisageable pour désamorcer la crise à laquelle les policiers faisaient face. D'un côté, quatre policiers, professionnellement formés pour assurer la sécurité des citoyens, tous les citoyens, y compris les personnes itinérantes et les passants. De l'autre, un homme démuni aux prises avec de sérieux problèmes de santé mentale. Ce déplorable incident rappelle durement qu'il est illusoire de penser que les problèmes de santé mentale peuvent être pris en charge par les forces de l'ordre. On doit s'attaquer à la détresse psychologique en amont des crises. Du reste, la violence policière ne doit pas rester impunie. Or, je doute que la Sûreté du Québec, seule, sans participation citoyenne extérieure, puisse mener une enquête parfaitement impartiale dans ce dossier. Je déplore également que chaque cas de brutalité policière soit traitée de façon individuelle, occultant ainsi la violence structurelle de laquelle elle est issue. Il est peut-être temps que la société québécoise repense le rôle de sa police municipale.





Caroline Moreno

Écrivain

LA LOI DU PLUS FORT?

Règle générale, les policiers du SPVM font un excellent travail. Dans le cas de l'opération du 7 juin dernier qui s'est soldée par la mort d'un itinérant et de l'employé d'un hôpital, il apparaît pour le moins surprenant que quatre patrouilleurs n'aient pas réussi à maîtriser, sans le tuer, un individu armé d'un couteau. Leur vie était-elle à ce point menacée? Quoi qu'il en soit, deux familles sont aujourd'hui en deuil, ce qu'on ne peut que déplorer.