Le gouvernement Harper entend adopter un projet de loi omnibus qui prévoit le durcissement des peines d'emprisonnement pour les jeunes contrevenants, les trafiquants de drogue et les prédateurs sexuels. Croyez-vous que ces mesures, dont l'application coûtera 2,7 milliards au cours des cinq prochaines années, sont justifiées compte tenu de la baisse de la criminalité au Canada depuis 10 ans?

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Mélanie Dugré

Avocate

SOYONS COHÉRENTS

«La criminalité» est un bien vaste sujet et il faudrait préciser quels sont exactement les crimes dont la fréquence a diminué depuis 10 ans. C'est peut-être le cas pour les vols de dépanneurs mais lorsque je vois des gangs de rue ouvertement recruter des enfants dans les cours d'écoles primaires et lorsque je lis l'odieux des sévices sexuels subis par certaines petites victimes, je suis sous l'impression que les actes criminels, s'ils sont moins nombreux, sont plus révoltants que jamais.

Je pense par ailleurs que la cohérence s'impose. À chaque procès médiatisé, le débat portant sur la sévérité des peines revient sur la place publique et les tribunes sont envahies par des citoyens qui, outrés par le laxisme des sentences imposées, réclament à hauts cris des peines plus rigoureuses. On ne peut exiger pareils changements au Code criminel tout en s'insurgeant contre le projet du gouvernement Harper. Ce dernier est conséquent avec lui-même et avec la ligne de son parti. Je crois néanmoins que le cas des jeunes contrevenants devrait être traité différemment. Il est prouvé qu'en envoyant ces adolescents en prison, leurs chances de réhabilitation se trouvent sérieusement compromises alors que derrière les barreaux, ils n'apprendront qu'un peu mieux le métier de criminel. Ces jeunes méritent plutôt qu'on leur donne les outils nécessaires afin de reprendre le droit chemin.

Mélanie Dugré

Alain Vadeboncoeur

Urgentologue

MERCI, M. HARPER

Il est très important de passer tous ces projets de loi le plus rapidement possible. En effet, la Canada étant reconnu comme un pays peu violent, où la criminalité est sous contrôle et même en diminution, si on attend trop, ça n'aura plus vraiment de sens. Mieux vaut aller vite. Et c'est dans l'intérêt de M. Harper: parce que si tout continue à s'améliorer, ça pourrait être beaucoup plus difficile en fin de mandat. Sans compter qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact du projet sur notre propre perception: si on veut finir par se convaincre que Toronto ou Montréal, c'est Los Angeles ou New York, ce genre de projet de loi pourra aider grandement, ce qui est quand même un objectif louable, qui rehaussera d'autant notre pauvre estime de nous-mêmes. Par ailleurs, le Québec étant malheureusement à l'avant-garde dans l'approche aux jeunes contrevenants, cela nous permettra d'être au diapason avec nos concitoyens canadiens. Enfin, cela fera autant d'argent retiré à des programmes sociaux aussi rétrogrades que, je ne sais pas, l'assurance-maladie. Alors bravo et surtout, merci, monsieur Harper.

Dr Alain Vadeboncoeur

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec

RÉPARER LES DOMMAGES AUX VICTIMES

Le durcissement des peines d'emprisonnement sont-elles de nature à dissuader les criminels de récidiver? On peut en douter. Certains avancent même que la prison est l'école du crime... Une chose est sûre : avec la proposition des conservateurs, les victimes devront payer davantage d'impôts pour punir les coupables! C'est comme si notre justice était un système où la victime doit payer, deux fois plutôt qu'une, pour un crime qu'elle a elle-même subi. Plutôt que de chercher à durcir et à rendre les peines automatiques, on pourrait chercher à replacer les victimes au centre du processus judiciaire. Même si on ne peut pas toujours rendre à une victime ce qui lui a été enlevé, la vraie justice ne serait-elle pas de chercher à s'en approcher? Ne serait-il pas préférable de forcer, lorsque c'est possible, les contrevenants à réparer les dommages qu'ils ont causés? Outre les réparations d'ordre financier, les victimes pourraient réclamer d'autres formes de compensation pour les dommages subis : un travail en faveur d'un organisme privé ou communautaire, par exemple. Une justice basée sur la réparation n'est peut-être pas simple à mettre en oeuvre, mais contrairement à un système de peine automatique, elle permet d'aspirer à la «juste peine» tout en redonnant aux victimes un peu de ce qu'elles ont perdu.

Pierre Simard

Steven Blaney

Ministre fédéral des Anciens combattants et député conservateur de Lévis-Bellechasse et des Etchemins

FINI LES SENTENCES BONBONS

Lors de la dernière élection, notre gouvernement conservateur a reçu des Canadiens un mandat fort afin de  continuer à assurer la sécurité de nos rues et de nos communautés. Le texte législatif déposé aujourd'hui, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, démontre la détermination de notre gouvernement à faire en sorte que la sécurité des Canadiens respectueux de la loi et celles des victimes passent en premier dans le système judiciaire du Canada. En agissant rapidement pour déposer de nouveau un projet de loi exhaustif en matière de justice, notre gouvernement tient son engagement et agi pour protéger les familles et tenir les criminels responsables de leurs actes. Nous continuerons à combattre le crime et à protéger les Canadiens afin que nos communautés soient des endroits sûrs où les citoyens peuvent vivre, élever leur famille et faire des affaires. Nous prenons le parti des victimes et de leurs familles et mettons fin aux sentences bonbons pour les criminels violents. Nous mettons fin aux libérations conditionnelles non méritées et modernisons nos lois pour faire face à la cybercriminalité.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

PRENDRE LE TEMPS DE RÉFLÉCHIR

Toute société aspire à éliminer complètement, sur son territoire, la criminalité, afin de permettre à ses citoyens de vivre en toute quiétude. Le projet de loi omnibus du gouvernement conservateur prévoit le durcissement des peines pour, entre autres, les trafiquants de drogue, les prédateurs sexuels et les jeunes contrevenants jugés violents. Le tout, pour une somme d'environ 2,7 milliards $, étalée sur cinq ans. Pourquoi vouloir durcir les peines ou en faire un automatisme, alors que les statistiques sur la criminalité nous démontrent que, justement, le taux de criminalité depuis près de 40 ans, est à son plus bas niveau? C'est à n'y rien comprendre. Parfois, les motivations politiciennes de nos élus sont fonction d'un agenda plus ou moins clair. Dans ce cas-ci, il y a lieu de se demander si le gouvernement Harper ne se sert pas du durcissement des peines envers les criminels pour investir dans nos infrastructures carcérales, car trop vétustes. Serait-ce que la surpopulation carcérale le commande ? Si c'est le cas, qu'on le dise, sans plus. Si ce n'est pas le cas, il est, à mon avis, paradoxal de prétexter le durcissement des peines, alors que le taux de criminalité est à la baisse. N'y a-t-il pas d'autres moyens de parvenir à ses fins? Il y a sûrement d'autres façons de faire beaucoup plus adéquates que le durcissement des peines. Le gouvernement Harper aurait intérêt à prendre son temps et à réfléchir davantage à la question.

Jean Gouin

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

CERTAINS ASPECTS INTÉRESSANTS

Le projet de loi sur la sécurité des rues et des collectivités regroupe neuf projets de loi jamais adoptés, car le gouvernement de Stephen Harper se retrouvait en situation minoritaire. L'estimation des coûts de cette loi est de 2,7 milliards sur cinq ans. Le jeu en vaut-il la chandelle? Premièrement,  j'ai de gros doutes quant à cette projection de coûts. L'État étant un adepte de la suradministration, il est facile de prédire une forte hausse du montant cité par le ministre. Vous souvenez-vous du registre des armes à feu? Cela dit, les opposants à cette loi évoquent que le taux de criminalité est en baisse depuis les dix dernières années. Donc pour eux, nul besoin de modifier le Code criminel.  Malgré tout, certains aspects de ce projet de loi omnibus semblent intéressants à mes yeux de néophyte en matière de justice: les peines révisées contre les prédateurs sexuels s'en prenant aux enfants, les sanctions plus sévères contre le crime organisé, les contrevenants violents qui ne seront plus éligibles aux peines avec sursis ainsi que la maltraitance envers les immigrants sont des éléments qui peuvent dissuader certains criminels de passer à l'acte.  Malgré les récriminations et les incertitudes des partis d'opposition, ce projet deviendra loi officielle car le PC est majoritaire en chambre et il a les coudées franches pour satisfaire les électeurs et les groupes de pression de l'ouest canadien.  Ce qu'en pensent les Québécois ne préoccupe guère M. Harper, d'autant plus que nous sommes représentés majoritairement par le NPD qui ne l'appuiera probablement pas dans cette démarche.

Sylvain Chicoine

Député de Châteauguay-Saint-Constant et porte-parole adjoint du NPD en matière de sécurité publique.

DANS LA MAUVAISE DIRECTION

La loi contre le crime des conservateurs de Stephen Harper entraîne le Canada dans la mauvaise direction. Partout au pays, et ici au Québec, les communautés demandent que plus de ressources soient consacrées à la lutte contre la criminalité. Elles réclament un plus grand nombre de policiers et un renforcement des programmes de prévention du crime. La réponse du gouvernement Harper : imposer aux  provinces des milliards de dollars en coûts et créer des mégaprisons, sans pour autant  augmenter l'effectif policier. Pendant ce temps, l'économie se fragilise et le taux de chômage est à la hausse. Plutôt que de mettre en place des mesures de relance de l'emploi, le gouvernement conservateur, avec cette loi, va alourdir le  fardeau des provinces et des contribuables. Ce dont nous avons besoin, c'est clair, c'est d'un plus grand nombre de policiers pour assurer la sécurité dans les rues et non pas de mégaprisons. Plusieurs aspects du projet de loi C-10 sont valables. Les néo-démocrates vont soigneusement l'étudier. Mais le gouvernement Harper doit jouer franc jeu avec les provinces et leur dire combien cela va leur coûter. Il doit aussi suivre l'avis des experts qui recommandent plus de ressources sur le terrain pour combattre le crime.