L'Alberta, Terre-Neuve et la Colombie-Britannique sont maintenant dirigées par des femmes. Comment se fait-il que le Québec, qui prône pourtant l'égalité des sexes, n'ait jamais eu une femme au poste de premier ministre? Un simple concours de circonstances, ou des préjugés tenaces?

LES TEXTES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Claudette Carbonneau

Ex-présidente de la CSN

DES ATTENTES PLUS ÉLEVÉES



Coup de théâtre au Canada, quatre femmes dirigent maintenant trois provinces et un territoire. Il faut s'en réjouir même si l'histoire a donné des Thatcher, comme des Staline par ailleurs. L'expérience des femmes, leur parcours de vie sont des sources de changement. Le Québec ne serait pas le même sans la perception automatique des pensions alimentaires, sans les CPE et l'assurance parentale, sans la loi sur l'équité salariale, sans sa réalisation  dans le secteur public, sans la loi sur le patrimoine familial, sans la grande réforme du Code civil des années 60. Toutes ces grandes réalisations ont été pilotées par des femmes ministres d'horizons très différents. Ce Québec chef de file de la lutte pour l'égalité est-il en train d'être déclassé par l'accession de quatre femmes à des postes de PM? Je ne crois pas, même s'il s'agit d'une heureuse émulation. Le prisme de l'accession d'une femme au  poste de PM ne peut à lui seul garantir la profondeur du changement. Certaines d'entre elles n'ont pas encore connu l'épreuve d'une élection générale et Kim Campbell, 20 ans plus tard, demeure la seule première ministre canadienne! Le pourcentage de femmes élues, le taux de présence féminine dans des postes de ministre, l'importance et la diversité des ministères concernés sont tous aussi importants. Le Québec est-il parfait pour autant? Non! On entretient des attentes à l'égard des politiciennes qui dépassent celles attendues des hommes.  Nous restons prisonnier d'un idéal de leadership proprement masculin. C'est pourquoi la force du nombre demeure le plus puissant levier de changement. Trop lentement certes, mais quand même, on avance.

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse

SANS PRÉJUGÉS, VRAIMENT?



Lorsque le Québec sera dirigé par une femme lesbienne d'une communauté ethnique visible, on pourra dire que les préjugés ont été presque vaincus. D'ici là, il y a beaucoup d'eau qui coulera dans le fleuve Saint-Laurent. Ce n'est pas parce que trois provinces canadiennes ont élu des femmes comme première ministre que les préjugés sexistes ont disparu sur leur territoire. Par contre, cela dénote une ouverture d'esprit de la population qu'il faut saluer. Pourquoi le Québec n'a-t-il pas été précurseur dans ce domaine? Les Québécois qui se targuent d'être les plus progressistes au Canada sont-ils frileux lorsque vient le temps d'affirmer par des votes leurs convictions? Pourquoi les femmes ont-elles tant de difficultés à gravir les échelons dans les partis politiques québécois? Est-ce parce qu'elle est une femme que Pauline Marois a plus de difficultés à se faire accepter comme cheffe du PQ? J'ose croire que non. J'espère fortement que personne au Québec n'hésitera une seconde à élire une femme à la tête du gouvernement. Si cela ne s'est jamais produit auparavant, ce doit être seulement par un concours de circonstances. Mais les préjugés sont tenaces, surtout lorsqu'on prétend ne pas en avoir et être progressiste, comme nous tous, les Québécoises et les Québécois.

Pierre-Yves McSween



Comptable agréé, enseignant au cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal.



UNE QUESTION DE CIRCONSTANCES



La politique est un monde impitoyable. Se rendre jusqu'à la tête d'un parti majeur est un véritable marathon où il faut sacrifier une partie de sa vie et attendre patiemment son tour. Pour être chef de parti, il faut non seulement avoir les compétences, mais aussi être la bonne personne, au bon endroit et au bon moment. Si le Québec n'a jamais eu de femme à sa tête, c'est historiquement une question de sexisme, j'en conviens. Toutefois, dans l'histoire récente du Québec, aucune femme n'a réussi à atteindre la tête d'un parti aspirant au pouvoir, sauf Pauline Marois. Ici, certains diront que Madame Marois n'a pas l'appui populaire parce qu'elle est une femme. D'autres diront que c'est à cause de l'option souverainiste ou de son manque de charisme. Le Québec est en quête d'un modèle charismatique. Le Québec n'est pas à la recherche d'un homme ou d'une femme, mais d'une personne d'exception. Le Québec a le désir d'être inspiré. Depuis Lucien Bouchard, le Québec n'a pas eu la chance de voter pour un leader charismatique. Une femme qui réussira à inspirer le Québec aura le vote des Québécois. Les circonstances font que pour l'instant, nous avons passé notre tour. Tomber dans la discrimination positive, c'est parfois aussi discriminatoire. Nous voulons le meilleur chef qu'il soit homme, femme, amant de la nature ou mangeur de hot-dogs.

Pierre-Yves McSween

Francine Laplante



Femme d'affaires



LA PERLE RARE



Je suis profondément convaincue que le jour où il y aura une candidate avec un charisme fou, avec une personnalité accessible, une femme qui sera à l'image de la société, à qui nous pourrons nous identifier, une femme qui aura eu un parcours différent, qui saura ce qu'est la réalité sur le terrain, qui parlera au peuple comme à ses amis, qui aura l'égalité sociale à coeur, ce jour-là, nous serons prêts comme peuple à l'élire à la tête de notre gouvernement. Où se cache cette perle rare? J'ose croire qu'il en existe plus d'une; le défi consiste à convaincre ces femmes d'exception de consacrer leur vie à remettre de l'ordre dans notre société. Comment les persuader de reléguer au second rang leur rôle de mère? Car n'oublions pas qu'une femme de cette trempe est une femme intense qui refuse de faire les choses à moitié! Chose certaine, ce n'est pas une question d'intelligence ou de simples compétences, mais plutôt une question d'honnêteté et d'intégrité, puisque accepter un tel mandat, c'est accepter de mettre de côté sa vie familiale. Cette perle rare devra être une missionnaire dans l'âme pour qui le sacrifice d'une vie personnelle et familiale aura un sens!

Gaétan Frigon



Président exécutif de Publipage inc. et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec



LA MEILLEURE PERSONNE



Je crois que l'ère des préjugés tenaces contre le fait qu'une femme devienne premier ministre au Québec est bel et bien terminée. Ce qui ne veut certes pas dire que les électeurs vont automatiquement voter pour une femme si l'une d'elles se présente pour devenir premier ministre. Je crois plutôt que les gens en sont arrivés à voter pour la meilleure personne, que ce soit un homme ou une femme. Et c'est là un signe de maturité politique. Il est vrai que plusieurs provinces canadiennes, tout comme plusieurs pays occidentaux, ont déjà élu une femme alors que le Québec tarde à le faire. Pour moi, il s'agit d'un simple concours de circonstances. Il faut, tout d'abord, qu'une femme devienne chef de parti, et, à ce que je me souvienne, cela n'est jamais arrivé avant l'accession de Pauline Marois au poste de chef du Parti québécois. Et elle pourrait devenir premier ministre du Québec aux prochaines élections si elle en est encore le chef à ce moment-là. Pourtant, rien n'est moins sûr. Non pas parce que Pauline Marois est une femme, mais parce qu'elle est Pauline Marois, c'est-à-dire une personne avec qui les électeurs ont beaucoup de difficultés à s'identifier. Donc, si elle perd ses élections lors du prochain scrutin, ce ne sera pas parce que les Québécois ne veulent pas d'une femme comme premier ministre, mais parce qu'ils ne veulent pas de Pauline Marois.

Gaétan Frigon

Raymond Gravel



Prêtre dans le diocèse de Joliette



MAIS POURQUOI PAS?



Je n'ose pas croire qu'au Québec, le fait d'être une femme soit un handicap pour exercer le rôle de première responsable de l'État. Personnellement, je voterais volontiers pour une femme qui possède, à la fois, le charisme d'une chef d'État et la compétence de la politique nationale. Malheureusement, lorsque ces deux qualités sont réunies, qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme, rares sont ceux et celles qui aspirent à ce poste; la politique génère beaucoup trop de cynisme et de frustrations dans notre société québécoise. Le rôle d'un ou d'une chef d'État, c'est d'être au service de la population. Pour exercer une telle fonction, il faut d'abord faire preuve d'humilité, c'est-à-dire se mettre au niveau des plus démunis et des plus blessés de la vie, parce que ce sont eux qui ont le plus besoin d'être soutenus, aidés et réconfortés. Aussi, le ou la chef d'État ne doit pas avoir la prétention de détenir la vérité. C'est par l'écoute, l'ouverture, le respect et la tolérance qu'il ou qu'elle peut remplir sa tâche de première responsable. Actuellement, nous manquons cruellement d'un ou d'une leader politique qui pourrait réunir les forces vives du Québec et qui pourrait nous rendre plus responsables du vivre ensemble de la diversité culturelle québécoise et de notre solidarité avec toute la  société.

Raymond Gravel