À un an des présidentielles américaines, quelles sont les chances que Barack Obama soit réélu, d'après vous? À la lumière de ses trois premières années à la Maison-Blanche, mériterait-il d'être reporté au pouvoir?

Guillaume Lavoie

Directeur exécutif de Mission Leadership Québec et membre de l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand

S'INSPIRER DE TRUMAN ET DE W. BUSH! 

2012 sera une élection très difficile, très serrée, mais où M. Obama peut l'emporter. Comment ? Deux présidents lui offrent une stratégie dont il devrait s'inspirer. Et l'un deux est George W. Bush ! La première stratégie est celle de Harry Truman en 1948. Très impopulaire, Truman avait un avantage, le Congrès l'était encore plus que lui! Idem pour Obama. Un peu plus de 50% des américains sont insatisfaits de son travail, mais 82% des sont insatisfaits du travail du Congrès... républicain. Truman avait fait campagne en blâmant ce « Do nothing Congress ». La grande majorité des Américains désapprouvent l'attitude des républicains, et encore plus lorsqu'il est question du Tea Party. Après « Give 'em Hell, Harry! », « Give 'em Hell, Barack ! » ? L'autre stratégie vient de W. Bush en 2004. C'est la celle de l'alternative inacceptable. Vous n'aimez pas W. Bush... mais aimez-vous mieux l'alternative? En 2004, les républicains ont passé l'aspirant démocrate, John Kerry, à la moulinette en l'établissant comme incapable de leadership car changeant constamment d'idée et étant faible sur les questions de sécurité/terrorisme. Pour 2012, l'aspirant probable républicains est Mitt Romney. Il collectionne les contradictions, sur l'avortement, la réforme de la santé, etc. Après «Flip-flop» Kerry, «Flip-flop» Romney?



photo: fournie par l'auteure

Karine Prémont

Chercheuse associée à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM et professeur au collège André-Grasset

SES CHANCES SONT BONNES

Malgré le premier mandat décevant de Barack Obama (en raison notamment de l'état de l'économie américaine et d'un leadership chancelant face à une très forte résistance des républicains), ses chances de réélection en 2012 sont, pour l'instant, plutôt bonnes. En effet, M. Obama bénéficie de la radicalisation des candidats républicains, ce qui pourrait permettre au président de conserver l'appui des indépendants. Il faudra néanmoins que son équipe de campagne mette tout en oeuvre pour inciter ces électeurs à aller voter malgré leur désenchantement à l'égard du président. D'autre part, l'absence d'une crise majeure de politique étrangère évite à Obama d'avoir à prendre des décisions qui risqueraient de lui aliéner de manière décisive une partie de l'électorat. Cependant, les crises de politique intérieure sont suffisamment graves pour mettre à mal l'image de conciliateur et de pragmatique que M. Obama cultive depuis 2008. En somme, si on compare souvent Barack Obama à Jimmy Carter, l'inexistence d'un Reagan chez les républicains à l'heure actuelle laisse penser que le président démocrate peut entretenir l'espoir d'être de retour à la Maison-Blanche en 2012. Il aura toutefois fort à faire pour reprendre le contrôle de son discours, expliquer plus clairement ses décisions et trouver un plan crédible qui contribuera à remettre les États-Unis sur les rails.

Karine Prémont

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique à Québec.

TOP TÔT POUR UNE PRÉDICTION

J'avais d'abord pensé écrire que les sondages actuels n'avantagent pas le président Obama, qu'une croissance économique anémique hypothèque sa réélection ou que les Américains sont de plus en plus critiques à son égard. Toutefois, selon des chercheurs qui ont étudié les élections présidentielles, les électeurs américains baseraient leur choix de réélire ou non leur président sur la base de leur revenu personnel dans les mois précédents le jour de l'élection. Ainsi, un revenu disponible à la hausse serait le meilleur indicateur pour prédire la réélection d'un président. Il serait donc trop tôt pour parier sur les chances de Barack Obama : ce qu'il a fait jusqu'ici n'influencerait guère ses chances de réélection dans un an. Si on se fie à ces études, les électeurs ne choisissent pas leur président sur leur performance passée ou sur des promesses électorales. Ils auraient la mémoire courte, seraient un peu myopes et se contenteraient de prendre leur décision en fouillant dans leur portefeuille dans les quatre à six mois avant de voter. Bref, s'ils ont raison, le président Obama aurait encore plusieurs mois devant lui pour faire mentir ceux qui lui prédisent une défaite. Un peu réducteur, j'en conviens, mais qui sait ce qui se passe dans l'isoloir?



Pierre Simard

Antonin-Xavier Fournier

Professeur de sciences politiques au cégep de Sherbrooke 

MARGE DE MANOEUVRE LIMITÉE

Malgré le symbole de puissance qu'il représente, le président des États-Unis a, en fin d'analyse, une marge de manoeuvre plutôt limitée. Certes, il peut orienter et arbitrer les grandes décisions publiques mais, dans tous les domaines, il doit constamment faire des compromis avec les parlementaires du Congrès. Ce jeu d'équilibre, qui caractérise si bien le régime politique américain, a pour résultat de diluer les programmes d'action que tentent d'appliquer les acteurs politiques. Sur bien des dossiers, Barak Obama, qui représentait pourtant le désir de changement lors de l'élection de 2008, a dû reculer. On peut penser, entre autres, à sa réforme sur la santé ou encore aux fameuses baisses d'impôt accordées par Georges W. Bush. Ces reculs « stratégiques » laissent cependant des traces et pourraient affecter l'électorat qui voyait en Obama une réelle incarnation du changement. Sur le plan économique, l'administration Obama n'a malheureusement pas réussi à endiguer le chômage et la reprise trop lente n'est pas un signal encourageant en vue d'une réélection. Il s'agit là d'un obstacle important, car il est en général plus facile de se faire réélire lors des périodes de croissance économique. Heureusement, le chef de l'État pourra compter sur ses grands talents d'orateur et de rassembleur lors des prochains mois, de sorte que la prochaine campagne présidentielle devrait être palpitante.



Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale 

IL MÉRITE UN SECOND MANDAT

À 12 mois des élections présidentielles américaines, la seule certitude palpable c'est que Barack Obama sera le candidat du Parti démocrate. Quant on constate l'éparpillement de la droite républicaine, le nombre de candidats et les nombreuses postures et chapelles idéologiques qui se télescopent et encombrent l'échiquier du Grand Old Party, on se demande s'il n'est pas en train de se battre lui-même. Dans ces circonstances, à la question Barack Obama mériterait-il d'être reporté au pouvoir, on est tenté de répondre oui. Pourtant, les espoirs qu'on avait placés dans le premier président noir des États-Unis en 2008 ont littéralement fondu. Sans doute ces espoirs étaient-ils trop élevés! On réalise maintenant que résoudre les  problèmes générés par la plus grave crise économique depuis la Grande dépression n'est pas l'affaire d'un seul homme, fut-il aussi puissant.  On comprend également que les États-Unis ne sont plus seuls et que les autres pays, entrés de plein pied dans la mondialisation, veulent prendre leur place et n'acceptent plus de se faire dicter leur conduite par Washington. À une époque de cynisme et de désillusions, c'est peut-être la principale leçon du premier mandat d'Obama, à savoir que la démocratie est l'affaire de tous et que personne, fut-il Barack Obama, ne  peut régler des problèmes complexes d'un coup de baguette magique. Il a besoin d'un autre mandat.



Caroline Moreno

Écrivain 

MIRACLE ET DÉCEPTION

De l'extérieur, il apparaît difficile de différencier les politiques de Barack Obama (prix Nobel de la paix 2009) de celles de George W. Bush. Ainsi, la prison de Guantánamo est toujours ouverte, les Américains ne sont pas rentrés d'Irak et d'Afghanistan ; ils se sont introduits en Libye et envisagent d'envahir l'Iran. Les États-Unis ont de plus rejeté les demandes légitimes d'adhésion à l'ONU et à l'UNESCO de la Palestine. Il ne reste plus qu'à espérer que Barack Obama parvienne à faire adopter une réforme du système de santé, sans quoi les démocrates estimeront, à juste titre, ne pas en avoir eu pour leur vote. Malgré tout, après les années  de règne de W. Bush, comment ne pas percevoir Obama comme un moindre mal?

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc. et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec

PAR DÉFAUT

L'erreur majeure de Barack Obama a été de gaspiller son capital politique en poussant trop fort pour la mise en application de son système de santé immédiatement après son élection alors que l'économie américaine tombait en récession. Ce faisant, il a donné des munitions à ses adversaires républicains qui ont été en mesure de l'accuser de négliger les emplois. Il y a une différence fondamentale entre sauver «Wall Street» et sauver «Main Street». Obama a fait le premier et a oublié le deuxième. Pourtant, en 2008, les démocrates contrôlaient la Maison-Blanche, la Chambre des représentants et le Sénat, et auraient ainsi été en mesure de voter toute une série de mesures pour créer de l'emploi et remettre l'économie sur pied.  Arriva alors ce qui devait arriver : lors des élections de mi-mandat en 2010, ils ont perdu le contrôle de la Chambre ainsi que la majorité absolue au Sénat (60 sénateurs sur 100). Dès lors, il devenait presque impossible pour Obama de faire voter son programme. Mais malgré toutes ces erreurs, les chances sont que Barack Obama va être réélu, d'une part parce qu'il est difficile de battre un président sortant et, d'autre part, parce que les républicains n'ont pas réussi à trouver un candidat capable de le battre. C'est ainsi que Obama pourrait gagner par défaut et non par mérite, d'autant plus qu'il amassera une caisse électorale frôlant le milliard de dollars pour réussir sa campagne.

Gaétan Frigon

Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau de Québec

UN PETIT DEUX SUR OBAMA

En novembre 2012, le président Obama tentera de se faire élire pour un second mandat. À un an de cette échéance, plusieurs analystes ne donnent pas cher de sa peau tandis que les républicains se voient déjà en train d'exhiber son scalp. Il est toutefois loin d'être certain que les premiers auront raison et que les seconds pourront crier victoire.

Les faiblesses du président Obama sont bien connues. L'état de l'économie, avec un taux de chômage approchant les 10% et un secteur de l'habitation anémique, et celui des finances publiques, avec un déficit et une dette astronomiques, viennent au premier rang, bien qu'il n'en soit pas le principal responsable. Il appert aussi que le programme d'assurance-santé qu'il a réussi de peine et de misère à arracher au Congrès n'a pas la cote auprès des Américains. Ces deux déficiences pèseront lourd. Sans compter l'image de politicien indécis qu'il a projetée dans l'opinion publique, M. Obama ayant été trop enclin à la conciliation pendant ses deux premières années à la présidence, alors que son parti détenait pourtant la majorité au Congrès et qu'il aurait pu être plus énergique et incisif face aux républicains. Mais M. Obama possède aussi des atouts non négligeables. D'abord le fait que malgré le marasme économique et financier, sa cote de popularité tourne encore autour de 45%. En second lieu, la personnalité de son futur adversaire républicain, aucun des candidats aux primaires républicaines n'étant exempt de défauts, certains se révélant de véritables caricatures tandis que d'autres traînent des squelettes dans leur placard. Sans compter le risque d'un schisme des partisans du Tea Party mécontents de la sélection, qui pourrait diviser le vote anti-Obama. Dès que ce candidat sera connu et que les démocrates pourront orchestrer leurs charges contre lui, la cote du président Obama remontera. Enfin, le fait que M. Obama est un formidable orateur et un redoutable campainer. Ces deux qualités devraient lui permettre de remonter la pente et de coiffer les républicains au poteau.

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

REDONNER ESPOIR AUX AMÉRICAINS

Les dés ne sont pas joués pour le président Barack Obama. Malgré plusieurs réalisations (couverture médicale pour 30 millions d'Américains, capture d'Oussama ben Laden et le retrait des troupes d'Irak), l'instabilité de l'économie américaine inquiète. Pour preuve, près de 49% des Américains aurait une opinion négative du président. La mission du président : redonner l'espoir perdu à la suite de l'élection de 2008. La première vidéo de campagne d'Obama, lancée le 6 novembre, tente d'accomplir cette mission. « Il faut continuer de se battre pour le changement » peut-on y lire. Réussira-t-il à se faire réélire? Reagan et Clinton l'ont fait alors qu'ils se trouvaient dans une situation similaire en terme de sondage. Obama le mérite-t-il? Assurément. On peut ne pas être en accord avec l'ensemble de son oeuvre, mais on ne peut pas nier ses efforts pour bâtir un monde plus juste. On n'a qu'à penser à la taxation supplémentaire des très riches pour financer les services publics ou encore le développement des énergies renouvelables. Souhaitons qu'un vent d'espoir souffle à nouveau sur nos voisins du Sud pour que le monde entier puisse en profiter.



Photo: Archives La Presse

«Alors que le gouvernement Charest est en train de saboter l'accessibilité aux études, le Parti libéral du Canada reconnaît que les étudiants n'ont pas les ressources financières pour étudier», a affirmé le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, Léo Bureau-Blouin.