La crise financière a incité les autorités gouvernementales du G20 à coordonner leurs politiques fiscales et monétaires en générant de larges déficits, en baissant les taux d'intérêt, en injectant des liquidités et en prêtant entre elles les devises qui étaient en demande dans le système bancaire. Cette coordination sans précédent des autorités sera mise à l'épreuve dans les mois à venir, dès le prochain sommet du G20 à Pittsburgh le 24-25 septembre.

En effet, ces injections de liquidités ont assouvi la grande demande de dollars américains au moment de la crise du crédit et le dollar a même commencé à faiblir depuis mars 2009. À tel point qu'on entend des objections de plus en plus fortes de diverses autorités nationales. Après la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne et la zone Euro, le Canada avertit que la force du dollar canadien va réduire la croissance économique au pays.

Deux facteurs ont poussé ces devises à la hausse (et le dollar américain à la baisse).

1- On s'attend à ce que la stimulation fiscale et monétaire permette de mettre un frein à la récession et contribue à la reprise économique. Les stimulus américain et chinois en particulier aident à la reprise et contribue à la hausse des prix des matières premières comme le pétrole et le cuivre. On a donc vu le dollar canadien et australien par exemple s'apprécier de façon considérable.

2- Ces mêmes déficits gouvernementaux, qui contribuent à la croissance, font craindre une hausse de l'inflation, à cause de leur ampleur et de leur persistance, en particulier aux États-Unis, ce qui contribue aussi à affaiblir le dollar américain.

En ajoutant la spéculation des marchés à ces deux facteurs économiques, certaines devises sont devenues trop fortes par rapport au dollar américain. Leur cours futur dépendra essentiellement de la résolution de la tension entre deux forces économiques, l'une étant déflationniste, l'autre inflationniste.

En effet, la crise économique et les baisses des prix des actifs des consommateurs (comme les prix des maisons) incitent ceux-ci à réduire leurs dettes et augmenter leur taux d'épargne. Ce grand thème économique a un effet fortement déflationniste, car il expose une forte surcapacité de la production par rapport à la consommation, mettant une pression à la baisse sur les prix. Ce facteur met donc une pression à la baisse sur les devises étrangères parce que beaucoup de pays comme l'Allemagne, le Canada, le Japon et la Chine ont besoin du consommateur américain pour exporter et contribuer à leur croissance. Ce facteur a cependant été compensé par les dépenses gouvernementales des différents pays, et n'a donc pas encore été un facteur déterminant, surtout que les agents économiques anticipent une reprise. Si les programmes de dépenses des gouvernements n'ont qu'un effet de court terme sur la croissance, ces devises risquent de retomber.

Par contre, ces énormes déficits, surtout aux États-unis, inquiètent. Ces déficits deviendront déterminants à long terme. On ne voit pas la fin de ces déficits successifs et on ne voit même pas comment les Américains vont commencer à s'y attaquer, car il n'y a pour le moment aucune volonté politique à le faire, bien au contraire. Ces déficits ont un fort potentiel inflationniste, surtout que la pression sera grande sur la banque centrale américaine de ne pas augmenter les taux d'intérêt dans ce contexte. Ces développements mettront une forte pression à la baisse sur le dollar américain, propulsant à la hausse les devises comme les dollars australien et canadien et l'euro.

Et voilà où les tensions politiques risquent de s'envenimer.

Non seulement les politiques fiscales américaines vont affaiblir leur dollar mais les États-unis ont besoin d'un dollar plus faible pour rendre les biens américains plus compétitifs et accélérer la croissance. Ils veulent donc venir jouer sur le terrain de jeux des Allemands, Japonais et Chinois. Ces derniers ne verront pas d'un bon oeil celui qui a été la locomotive de la croissance mondiale (essentiellement le consommateur américain) devenir un compétiteur dans le marché des exportations. De plus, une combinaison de pressions inflationnistes et d'un consommateur américain qui ne dépense plus causera des sévères pressions sur les autres pays. Tous voudront voir leur devise plus faible pour stimuler leur croissance.

La solution réside dans une résolution des déséquilibres extérieurs en incitant les Chinois, Japonais et Allemands à consommer plus et exporter moins et une Amérique qui consomme moins et exporte plus. A défaut de voir des politiques favorisant les dépenses de consommation ailleurs qu'aux États-Unis, les tensions politiques entre les pays du G20 augmenteront et la tentation protectionniste sera attrayante. Ces sujets resteront à l'ordre du jour de plusieurs sommets du G20 à venir.