Bien entendu, les JO de Vancouver soulèvent beaucoup plus de questionnements qu'à l'habitude, pour deux raisons très simples. D'abord, les Jeux ont lieu au Canada, donc l'intérêt est encore plus grand. D'autre part, le Comité olympique canadien (COC) avait établi un objectif bien clair: 34 médailles et le premier rang au classement. Cet objectif n'était pas caché. Tout le monde le disait haut et fort.

Il y a cinq ans, les gens du COC ont cru qu'en investissant de grosses sommes d'argent jusqu'en 2010, nous casserions la baraque et changerions le pays en entier. Malheureusement, ça ne marche pas comme ça. Encore moins au Canada.

Vous savez, mes années d'athlète international m'ont appris que le Canada est un pays apprécié de tous. En particulier ses habitants. Pas étonnant que plusieurs personnes veulent s'établir ici. Il ne faut pas mésestimer comment les autres nous voient : accueillants, généreux, sympathiques, aidants, etc. C'est tout à notre honneur, mais c'est aussi très nuisible lorsqu'il s'agit de performer sur une scène athlétique comme les Jeux olympiques.

Cette grande générosité, cette compassion et ce sens de l'entraide nous jouent des tours en sport. Je l'ai déjà dit et le redis : ces qualités font de nous trop souvent des athlètes participatifs plutôt que compétitifs. Elles nous poussent malheureusement à toujours vouloir consoler un athlète et à lui faire accepter une performance ordinaire. Or il faudrait plutôt chercher avec lui à analyser la performance et trouver tous les points à améliorer pour continuer la progression et possiblement gagner la fois suivante.

Il est souvent difficile pour les gens impliqués dans le sport de faire la coupure entre le participatif et le compétitif. Nous avons peur d'être exigeants et de pousser les athlètes qui, pourtant, veulent vraiment être compétitifs. On semble vouloir à tout prix éviter de vivre la rage d'une défaite.

Vous savez, je suis tout à fait d'accord avec vous: finir cinquième à des Jeux olympiques est extraordinaire. Mais un athlète qui consacre sa vie à l'entraînement ne rêve pas de finir cinquième et de recevoir des tapes dans le dos pour une participation extraordinaire. Le podium est l'objectif ultime. Même le 20e favori, au fond de lui, espère une performance extraordinaire pour gagner une médaille.

Combien de fois avez-vous entendu un athlète dire qu'il était insatisfait et déçu d'une contre-performance ? C'est très rare. Nous avons généralement des explications pour la mauvaise performance, avec une morale positive à la clé. Pourtant, quand tu veux gagner et que tu n'y arrives pas, il est tout à fait normal d'être déçu et même fâché. Mais notre côté participatif nous dicte toujours d'accepter, de relativiser et de passer au suivant.

Je suis père de deux enfants. Et je comprends très bien l'importance d'être un modèle pour eux. Les enfants reproduisent ce qu'ils voient. C'est la même chose chez les athlètes. Ils reproduisent ce qu'ils voient, et l'attitude dans laquelle ils grandissent. Par conséquent, ils intègrent cette vision participative et la font leur. Ça devient très difficile à changer par la suite. Cessons de nous cacher la tête dans le sable. Un gagnant est un mauvais perdant. Il vit avec la défaite, mais ne l'aime pas. Il y a une grande différence entre vivre avec la défaite et l'accepter.

Les athlètes qui ont du succès sont ceux qui, de façon innée, ne sont satisfaits que par la première place. Ce qui ne veut pas dire que l'attitude de la population en général doit changer. Les Canadiens sont des gens extraordinaires. Ce sont plutôt les gens qui participent de près au développement des athlètes qui doivent changer. Le réconfort n'est pas interdit, mais laissons cela aux parents qui le font à merveille.

Nous avons des athlètes extraordinaires. Malheureusement, contrairement à plusieurs Américains, qui ont une attitude prétentieuse que l'on déteste, mais combien enveloppée du désir absolu de gagner, quand arrivera ce jour J des JO, plusieurs ne produiront pas leur meilleure performance, et ne tenteront pas énergétiquement d'aller encore plus loin. C'est bien triste, car nous avons au Canada un potentiel athlétique tout aussi grand que n'importe quelle nation.

En terminant, j'aimerais répondre aux nombreux spécialistes qui, ces derniers jours, affirment que le COC a établi un objectif impossible et mis trop de pression sur les athlètes. Que connaissent-ils de la pression de l'athlète? J'ai été athlète, et désolé de décevoir tout le monde, mais durant notre compétition, on pense à nous. Pas au Canada et à ses 34 médailles. Si nous gagnons, à ce moment, la fierté d'être canadien est au rendez-vous.

Où étaient ces nouveaux spécialistes il y a deux semaines? Dans leur salon à espérer que le COC ait raison.

Moi, je félicite ces gens qui ont osé et voulu sortir du moule participatif. Ces gens qui, pour la première fois, sont arrivés avec une attitude de gagnant, et non de participant. Il y a deux semaines, je ne croyais pas que nous pouvions gagner 34 médailles. Mais je ne croyais pas plus que je pouvais gagner une médaille olympique lorsque j'avais 15 ans. Par contre, j'étais prêt à tout pour essayer. Et je compte maintenant trois participations et cinq médailles olympiques.

Bravo, donc, à ces audacieux. Votre première solution était l'investissement financier, et il ne faut pas retourner en arrière. Continuez. Mais aussi, cherchez maintenant les autres solutions qui feront en sorte que bientôt, nous pourrons être les meilleurs.