Le gouvernement Harper a décidé de remplacer le formulaire long et obligatoire du recensement par un questionnaire beaucoup plus court. Devrait-il revenir sur sa décision? De nombreux lecteurs ont réagi à notre Appel à tous. Plusieurs l'ont fait après avoir rempli le questionnaire de 2006 mis en ligne sur cyberpresse.ca.

Depuis quelques semaines, divers groupes se sont indignés contre l'abolition du long formulaire du recensement et ont interpellé le ministre de l'Industrie, Tony Clement, sur les conséquences de cette décision dans toutes les sphères de l'activité humaine.

Le consensus pour le maintien du formulaire détaillé du recensement est tout à fait justifié, car les sociétés du XXIe siècle ne peuvent avancer sans connaître toutes les transformations profondes d'une société aussi complexe que la nôtre. Sans les informations du recensement, c'est la mémoire des individus et des communautés qui se perd; c'est refuser de «voir», le plus objectivement possible, la société dans ses multiples réalités.

Depuis 1871, date du premier recensement, le Canada s'est imposé un devoir de mémoire, non seulement pour des raisons géoadministratives, mais aussi pour permettre aux citoyens de mieux se connaître en tant que communauté.

Globalement, le recensement permet aux chercheurs, aux étudiants (tant au collégial qu'à l'université), aux gestionnaires, aux administrateurs, aux groupes de pression, etc. de réfléchir, d'analyser et de mieux comprendre le passé lointain et récent d'une société, son présent, avec ses multiples transformations, et son avenir à court, à moyen et à long terme. Cela justifie l'existence du «questionnaire long», en précisant qu'il existe une loi sur la confidentialité des informations qui encadre et définit les modalités de diffusion des données, tout en protégeant prioritairement le citoyen.

L'abolition du questionnaire long aura pour effet de créer une coupure dans les données longitudinales et un «trou de mémoire» volontaire et inacceptable. Pensons seulement aux événements et aux bouleversements vécus collectivement dans notre société depuis les cinq dernières années: pouvons-nous ignorer volontairement les conséquences économiques et sociales sur les différents segments de la société? Par exemple, quels sont les impacts des bouleversements économiques des cinq dernières années sur l'emploi? Assistons-nous à des changements structurels? Quels sont les impacts de ces transformations sur les ménages? Quelles sont les caractéristiques et les transformations de notre architecture sociale depuis le dernier recensement?

Faut-il prendre une masse pour tuer une mouche? Des ajustements peuvent s'imposer, mais pas au point d'en arriver à une telle solution. Par exemple, justifier l'abolition du formulaire détaillé par des préoccupations de citoyens pour la vie privée est légitime, mais repose sur des craintes injustifiées. Son abandon serait une démonstration, hors de tout doute, que c'est une décision basée sur des considérations souvent nébuleuses.