Les auteurs sont tous deux professeurs adjoints à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.

Encore une fois, la semaine dernière, des bombardiers russes se sont approchés de l'espace aérien canadien et ont été interceptés par deux chasseurs canadiens. De 12 à 18 interceptions de la sorte ont lieu chaque année depuis 2007, soit depuis que la Russie tente de se réaffirmer comme grande puissance militaire. Or, dans le contexte du choix du gouvernement fédéral de se procurer 65 F-35 à près de 16 milliards de dollars, est-ce là une preuve de la pertinence du plus important achat militaire du Canada?

Selon le ministre de la Défense, Peter MacKay, les F-35 permettront au Canada de «faire face aux défis du XXIe siècle et d'en sortir vainqueur». Quels sont ces défis? Il faut lire entre les lignes et déterminer les avantages comparatifs du F-35 par rapport aux autres options afin de répondre à cette question, puisque le gouvernement fédéral préfère se taire à propos des principales motivations sous-tendant sa décision.

La stratégie de défense élaborée par le gouvernement conservateur en 2008, Le Canada d'abord, mentionne une série de menaces contre lesquelles les avions de combat ne sont pas nécessaires, que l'on pense aux catastrophes naturelles, aux conflits asymétriques tels qu'en Afghanistan, ou aux réseaux criminels et terroristes transnationaux.

Un avion de combat tel que le F-35 s'avère d'une grande utilité dans des opérations de bombardement contre des États disposant de capacités de défense sophistiquées. Cet avantage est même reconnu par les concurrents de Lockheed Martin. Le F-35 représente également le seul avion de combat disponible et capable de rivaliser avec son concurrent russe, le Su-30, dont disposent par exemple la Chine, l'Inde, le Venezuela et l'Indonésie.

Voilà donc pourquoi, dans un horizon de 2017 à 2050, le F-35 est la «seule» solution de rechange. Il permet de pouvoir rivaliser avec les avions de combat produits par la Russie et de pouvoir bombarder des États de puissance secondaire.

Cela nous amène à la question des futures missions militaires auxquelles le Canada envisage de participer. Celles-ci se divisent en trois catégories. D'abord, la défense du territoire canadien. À cet égard, le F-35 ne dispose pas d'un véritable avantage comparatif par rapport à ses concurrents. La souveraineté des eaux canadiennes dans l'Arctique n'est pas contestée par la Russie, malgré ses nombreuses interventions aériennes (elle l'est plutôt par les États-Unis), et l'intégrité du territoire canadien est assurée par l'alliance militaire avec les États-Unis. Même s'ils avaient l'intention de le faire (ce qui très douteux), ce ne sont pas 65 avions de combat canadiens qui dissuaderaient les Russes ou tout autre pays d'attaquer le Canada - la puissance américaine suffit.

Le F-35 ne possède pas non plus d'avantage comparatif évident quant au second volet de la défense du Canada, qui porte sur les engagements du pays au sein du NORAD pour la défense du continent. Sur ce plan également, un avion de combat moins furtif disposant de deux moteurs permettrait très bien au Canada de faire sa part pour la sécurité continentale - et de répondre symboliquement à la menace russe. En effet, il est probable que les États-Unis choisissent un avion moins puissant que le F-35 pour remplir leurs propres obligations au sein du NORAD.

C'est au troisième volet - la sécurité internationale - que le F-35 se démarque. Sa furtivité et sa supériorité dans les combats air-sol permettent au Canada d'entrevoir un rôle de premier plan dans des conflits impliquant des bombardements aériens, tels que la guerre du golfe Persique et la guerre du Kosovo.

Certains militaires canadiens affirment ainsi que l'avantage comparatif du F-35 est de permettre au Canada de prendre part à des missions potentielles de combat contre des États tels que l'Iran et le Soudan.

La stratégie de défense du gouvernement conservateur semble ainsi plus claire à la lumière du choix du F-35. On y écrit souhaiter que le Canada continue d'être «un intervenant crédible sur la scène mondiale» et possède «les capacités nécessaires pour apporter une contribution sérieuse à l'ensemble de la gamme des opérations internationales».

Ce qui signifie que l'on envisage la possibilité éventuelle de participer à des opérations offensives contre des États parias et que l'on souhaite par le fait même renforcer la crédibilité militaire - toute symbolique - du Canada face à la Russie.