J'ai lu - et relu - la chronique de Patrick Lagacé intitulée Cancer: le Québec en Lada (La Presse, 24 novembre). Difficile de vous dire toutes les émotions qu'elle a suscitées chez moi, de la colère à la frustration en passant par le découragement et l'indignation.

Si le texte de M. Lagacé cerne fort bien la problématique administrative, j'aimerais pour ma part partager quelques moments de vie, une vie qui a basculé le 2 juillet 2006, le jour où l'on m'a diagnostiqué un cancer du rein au stade 4, avec des métastases osseuses.

Du jour au lendemain, je suis passé du statut de gars plutôt en forme à celui de malade en phase terminale. Le pronostic est tombé comme une tonne de briques: 18 mois en moyenne, avec environ 15% de chance de survie après 5 ans.

Au cours des quatre dernières années, si je suis resté en vie, c'est d'abord et avant tout grâce au travail acharné de mon urooncologue, le Dr Pierre Karakiewicz, et à la bienveillance de compagnies pharmaceutiques. Dès le début de mes rencontres avec le Dr Karakiewicz, il a voulu que je reçoive du Nexavar. C'est la compagnie Bayer qui m'a fourni le médicament gratuitement pendant que mon médecin essayait d'obtenir l'autorisation de me le prescrire auprès du Conseil du médicament.

Pas une démarche facile puisque le Conseil ne cesse de refuser d'inclure le Nexavar à la liste des médicaments approuvés au Québec. J'ai un dossier où reposent les lettres de refus à répétition du Conseil, autant de claques sur la gueule, avant de finalement être accepté à titre de patient d'exception, une mesure temporaire - et arbitraire - qui peut être révoquée en tout temps.

J'ai vécu les effets secondaires, violents. J'ai littéralement rampé dans mon appartement quand les plaies aux mains et aux pieds étaient tellement douloureuses que je ne pouvais faire autrement. J'ai été de ceux qui ont réagi le plus violemment à ce médicament, et je peux dire que ma qualité de vie était à peu près nulle. Mais j'ai survécu, pendant près de deux ans, sans progression de la maladie, survécu assez longtemps pour que, quand le Nexavar a cessé de faire effet, on puisse passer à autre chose.

À l'automne 2008, j'ai commencé à être traité avec l'Afinitor, médicament fabriqué par Novartis, dans le cadre d'une étude clinique. Mon numéro de patient était le 001, premier patient au Québec à être traité avec ce médicament. À la grande différence du Nexavar, l'Afinitor n'a provoqué chez moi que peu d'effets secondaires, me permettant, depuis deux ans, de mener une vie à peu près normale. Quand l'étude clinique s'est terminée, au printemps 2010, ce n'est pas le gouvernement du Québec et le Conseil du médicament qui ont contribué à me soigner, c'est Novartis, dans le cadre de son programme humanitaire AfiniTrak.

Maintenant que l'Afinitor n'arrive plus à contenir la progression de mon cancer du rein, je dois passer à un autre médicament. Mon uro-oncologue m'a prescrit du Sutent. Il veut aussi me prescrire du Zometa. Pour les mois qui viennent, je suis à la merci de la décision d'un Conseil auquel je ne comprends rien, comme un jury qui a sur moi un droit de vie ou de mort.

Je sais que d'ici quelques semaines, je recevrai une lettre laconique en jargon bureaucratique, arborant une belle signature photocopiée d'une personne que je ne pourrai pas joindre pour lui demander des clarifications. Elle me dira si je peux espérer vivre encore ou si - dommage pour moi - je dois me préparer à mourir.

J'aimerais bien que la personne qui envoie ces lettres de refus me rencontre, moi, ma blonde, mes enfants. J'aimerais qu'elle me regarde dans les yeux et me dise pourquoi ça coûte trop cher de me laisser vivre...